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Famille, personnes et successions

Aliénation parentale : est-il possible d’obtenir des dommages et intérêts de la part du parent aliénant?

  • Janique Gibeau
Par Janique Gibeau Avocate
La législation québécoise ne comporte aucune définition de l’aliénation parentale. Nous pouvons toutefois, de manière générale, la définir comme un processus par lequel l’un des parents se livre à des comportements influençant l’esprit de l’enfant afin de favoriser chez lui une opinion négative de l’autre parent ou le rejet à son égard.

Ainsi, pour parler d’aliénation parentale, deux critères doivent être remplis : (1) des comportements aliénants posés dans le but, conscient ou non, d’exclure l’autre parent de la vie de l’enfant, et cela, sans justification; (2) une détérioration de la relation entre l’enfant et le parent ciblé, voire une rupture de la relation[1].

Dans cet article, nous exposerons les récentes avancées jurisprudentielle en matière de dédommagement dans un cas d’aliénation parentale, plus particulièrement suivant la décision Droit de la famille-22741 récemment rendue en la matière, qui pourrait ouvrir la voie à plus de recours semblables.

Le 28 avril 2022, la juge Élise Poisson a condamné un père au paiement de dommages-intérêts sur la base de l’aliénation parentale[2].

Dans cette affaire, les parties se sont séparées en 2003 et ont un enfant, issu de leur union, lequel est maintenant devenu majeur. Or, à compter de 2013, l’enfant fait preuve d’opposition à l’égard de sa mère et la relation devient conflictuelle entre les deux. Par ailleurs, l’enfant se trouve pris au milieu du conflit de séparation opposant ses parents. Par exemple, le père confie régulièrement à l’enfant ses frustrations à l’égard de la mère. C’est dans ce contexte que la relation entre l’enfant et la mère se détériore au fil des ans, pour finalement atteindre un point de rupture en septembre 2016. À cette occasion, l’enfant ira vivre à temps plein chez son père, rompant tous contacts avec sa mère et les membres de la famille maternelle. Encore aujourd’hui, l’enfant refuse de reprendre contact avec sa mère et sa grand-mère maternelle.     

Dans ces circonstances, la mère dépose une procédure à la Cour supérieure, le 19 février 2019, par laquelle elle réclame des dommages-intérêts à l’encontre du père pour aliénation parentale. Elle soutient notamment que les agissements du père constituent une faute à son endroit et réclame par conséquent 125 000 $ pour compenser le préjudice subi, soit 25 000 $ par année pour la période entre le 1er septembre 2016 et l’audition en mars 2022. Le père s’oppose à la demande, la qualifiant d’abusive. Il soutient que la mère est la seule responsable de la rupture du lien avec son fils.

Le Tribunal conclut que la responsabilité d’un parent peut être engagée s’il est démontré (1) qu’une faute a été commise dans l’exercice de l’autorité parentale (2) que des dommages ont été subis par l’autre parent et (3) qu’il existe un lien de causalité entre la faute et les dommages-intérêts réclamés.

Dans le cas particulier de l’affaire, la juge conclut que le père a engendré un conflit de loyauté ayant mené à la rupture des liens entre l’enfant et sa mère. Par ses gestes, le père a renforcé le comportement d’opposition de l’enfant envers la mère. Ainsi, ce comportement fautif du père engage sa responsabilité civile. La juge accorde 30 000 $ en dommages-intérêts à la mère.

Cette décision, par laquelle le Tribunal accorde une réparation dans un dossier d’aliénation parentale, est une première au Québec. En effet, la Cour supérieure avait déjà, dans le passé, octroyé certaines sommes plus modiques à des parents, notamment pour « perte d’affection des enfants » ou « dommages moraux » sans toutefois spécifiquement attribuer ce dédommagement à l’aliénation parentale[3].

Il est toutefois à noter qu’en date du 7 septembre 2022, la Cour d’appel a accueilli la requête pour permission d’appeler du père et a suspendu le paiement des dommages-intérêts jusqu’à ce qu’elle rende jugement sur la question. Ainsi, la Cour devra notamment déterminer s’il « existe en droit québécois un recours permettant à un parent de réclamer des dommages-intérêts pour un préjudice subi en raison d’une faute dans l’exercice de l’autorité parentale »[4].

Il faudra donc attendre la décision de la Cour d’appel afin d’être fixé sur le sort du jugement de première instance et le paiement des dommages-intérêts qui y sont prévus. Dans l’intervalle, les autres recours présentables à la Cour supérieure et à la Cour du Québec demeurent disponibles afin de tenter de mettre un terme à une situation d’aliénation parentale et de rétablir la relation avec l’enfant.

Pour toutes questions à ce sujet, ou si vous croyez être en présence d’une situation d’aliénation parentale, n’hésitez pas à communiquer avec notre équipe en droit de la famille qui se fera un plaisir de vous aider.



[1] Carrefour Aliénation Parentale Québec, < lien : https://alienationparentale.ca/fr/comprendre/#definition >

[2] Droit de la famille-22741, 2022 QCCS 1681

[3] Droit de la famille-17195, 2017 QCCS 387; Droit de la famille-2110, 2021 QCCS 46.

[4] Droit de la famille-221546, 2022 QCCA 1209, para.3.

Aliénation parentale : est-il possible d’obtenir des dommages et intérêts de la part du parent aliénant?
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