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L’envers de la médaille de l’obligation d’information dans un contrat d’entreprise à prix coûtant majoré
Oui. L’article 2108 du Code civil du Québec prévoit la reddition de compte à la demande du client. Il vise notamment à protéger les droits du client lorsque le contrat n’est pas « à prix fixe », comme dans le cadre d’un contrat d’entreprise à prix coûtant majoré par exemple, aussi communément désigné « cost-plus ». Dans ce type de contrat, le prix à payer par ce dernier correspond en principe aux coûts réels encourus par l’entrepreneur pour ses travaux, lesquels sont généralement majorés d’un pourcentage et/ou d’une somme forfaitaire. La disposition précitée énonce donc le droit du client de se renseigner, à tout moment, de toute matière relative à l’état d’avancement des travaux, des services déjà rendus et des dépenses engagées par l’entrepreneur.
Cela étant dit, un client pourra être présumé satisfait de la façon dont les travaux ont été exécutés et les dépenses engagées. Il pourrait en être ainsi lorsque, en cours d’exécution du contrat, il a fait preuve de négligence en n’exigeant jamais de connaître l’état d’avancement des travaux, ainsi que les justificatifs des frais encourus. Dans de telles circonstances, il pourrait se voir empêché de reprocher à postériori, c’est-à-dire après la fin des travaux, à l’entrepreneur d’avoir manqué à son obligation de le renseigner, alors qu’il a lui-même contrevenu à son obligation de s’intéresser à sa propre affaire, et ce même s’il pourrait alors demander les détails d’une reddition de compte à l’entrepreneur. L’obligation de l’entrepreneur se limite donc, dans un tel cas, à fournir un ouvrage exécuté selon les règles de l’art et exempt de vices ou de malfaçons.
La Cour supérieure est d’ailleurs parvenue à une conclusion similaire dans la décision Thomas c. 6835945 Canada inc., 2016 QCCS 905. Dans cette affaire, le demandeur Thomas avait conclu avec la société défenderesse un contrat d’entreprise à prix coûtant majoré et reprochait notamment à cette dernière d’avoir failli à son devoir de rendre compte en ne fournissant pas tous les justificatifs en temps utile au soutien des coûts chargés, et ce, en contravention à l’article 2108 C.c.Q.
Le Tribunal a toutefois estimé que la société défenderesse n’avait pas contrevenu à son devoir de renseignement et que le demandeur Thomas ne pouvait reprocher à cette dernière d’avoir omis de le renseigner alors qu’il avait lui-même négligé de s’intéresser aux coûts de son projet, du moins en temps utile. En effet, il est généralement reconnu par la jurisprudence et la doctrine, en semblables matières, qu’un client qui néglige et n’exige jamais, en cours de chantier, de connaître l’état d’avancement des travaux, des services déjà rendus et des dépenses déjà effectuées ne peut prétendre plus tard à aucun droit de regard sur ces derniers.
L’obligation du client de se renseigner est donc corollaire à l’obligation d’information de l’entrepreneur à son endroit, ce qui impose à chacune des parties le devoir d’agir de sa propre initiative avec diligence. Dans tous les cas, l’intensité du devoir d’information de l’entrepreneur sera appelée à varier selon la nature de l’ouvrage à réaliser ou à fournir et selon l’expertise des parties.
Il demeure néanmoins que chaque cas constitue un cas d’espèce, et il appartiendra au tribunal d’évaluer la preuve et de déterminer laquelle des deux parties doit assumer une plus grande part de responsabilité pour le manquement à l’obligation de renseignement, ou à celle de se renseigner.
N’hésitez pas à communiquer avec notre équipe en droit de la construction dans l’éventualité où vous souhaitiez que nous analysions les circonstances de votre cas et ainsi déterminer si les principes ci-dessus détaillés peuvent, ou non, s’appliquer à votre situation.