Famille, personnes et successions
Dépôt d'entente de médiation dans le cadre de procédures judiciaires
Oui, mais seulement sous certaines conditions précises.
La Cour d’appel a récemment été saisie de la question dans l’affaire Bisaillon c. Bouvier. L’Honorable juge Hogue y réitère l’importance de conserver la confidentialité dans tout processus de modes de prévention et de règlement de différends, ce qui inclut le cas de la médiation familiale. Ce caractère confidentiel découle d’une règle de preuve issue de la Common Law qui est maintenant codifiée à l’article 4 du Code de procédure civile. Elle protège tous les échanges intervenus entre les parties visant le règlement de différends, afin de favoriser des discussions franches et ouvertes. Ceci empêche donc, en principe, le dépôt en preuve d’une entente de médiation.
Cependant, comme toute règle, celle-ci vient avec ses exceptions. En effet, il est possible de passer outre le privilège de confidentialité sur le contenu d’une entente de médiation pour faire la preuve de l’existence même d’une telle entente. La Cour d’appel refuse l’argument selon lequel la médiation familiale est un processus particulier qui nécessite une protection plus forte de la confidentialité, et confirme du même fait l’application de cette exception même pour les litiges en matière familiale. L’objectif de la médiation demeure le même : prévenir un différend ou régler un litige par la conclusion d’une entente librement négociée.
La Cour d’appel souligne néanmoins que la liberté contractuelle des parties prévaut toujours. Elles peuvent donc décider de se doter d’exigences différentes en matière de confidentialité, tant que leur intention est clairement exprimée. Il est donc toujours possible de prévoir conventionnellement que l’exception à la confidentialité ne pourra pas s’appliquer. En l’absence d’une telle volonté exprimée dans l’entente de médiation, il demeure envisageable pour une partie de se prévaloir de l’exception au principe général qui impose la confidentialité, et ce même en matière familiale.
Il est pertinent de noter que dans cette affaire, il était plutôt question du résumé des ententes de médiation. Il s’agit d’un document rédigé et signé par le médiateur à la fin de la médiation qui traite des échanges entre les parties et des arrangements mutuellement convenus. Il est alors possible de signer le résumé des ententes, lui attribuant possiblement une valeur juridique, ou de faire rédiger une entente formelle, soit l’entente de médiation. Ce n’est donc pas l’entente de médiation elle-même, mais plutôt l’écrit non signé par les parties et produit par le médiateur qui fait l’objet du litige dans Bisaillon c. Bouvier. On comprend alors que le privilège de confidentialité vise l’ensemble du processus de médiation, et non seulement l’entente précise.
Bref, tel qu’en fait part la Cour d’appel, le principe de confidentialité peut être détourné si les échanges, notamment dans le résumé des ententes, sont nécessaires pour faire la preuve qu’une telle entente soit bel et bien intervenue. Cette exception peut uniquement être écartée par l’intention claire des parties.
Le 6 août 2020, la Cour Suprême du Canada accueille la requête en substitution de parties et la demande d’autorisation d’appel déposée par l’Association des médiateurs familiaux du Québec. La transcription est maintenant reçue depuis le 13 avril 2021, seulement la décision et ses motifs demeurent à suivre…
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