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Fiscal

La responsabilité fiscale des administrateurs : la vigilance est de mise

  • André Lareau
Par André Lareau Avocat-conseil
La décision d’exploiter une entreprise sous la forme d’une société par actions peut être motivée par la protection que le véhicule corporatif procure aux investisseurs lorsque surgissent les difficultés financières.

Cependant, cette protection n’est pas totalement étanche de sorte que les dirigeants ont tout avantage à bien connaître l’étendue de la responsabilité qui pourrait leur échoir, particulièrement lorsqu’il est question de leurs obligations fiscales.

C’est ainsi que les administrateurs (ne pas confondre avec les actionnaires) peuvent être tenus personnellement responsables des sommes que la société a négligées ou omises de remettre aux autorités fiscales, qu’il s’agisse de retenues d’impôt ou d’assurance-emploi prélevés sur le salaire versé aux employés, ou de montants de TPS et TVQ perçues par la société. Cette responsabilité de l’administrateur ne pourra toutefois être engagée que si un des événements suivants survient :

  1. La société a engagé des procédures de liquidation ou de dissolution et l’existence de la créance a été établie dans les six mois suivants;
  2. La société a fait une cession de ses biens ou une ordonnance de faillite a été rendue contre elle et l’existence de la créance a été établie dans les six mois suivants;
  3. Pour une dette fédérale, un certificat délivré par le ministre précisant la somme pour laquelle la société est responsable a été enregistré à la Cour fédérale alors que pour une dette québécoise, un avis d’exécution de saisie mobilière est rapporté insatisfait à la suite d’un jugement.

L’administrateur qui cesse d’agir à ce titre demeure responsable des manquements de la société pour une période de deux ans après sa date de sa démission. Cette responsabilité s’éteindra alors si la cotisation ne lui a pas été émise par les autorités fiscales au plus tard à la fin de la deuxième journée d’anniversaire de la cessation en bonne et due forme de ses fonctions.

Bien que la survenance d’un des trois événements susmentionnés soit une condition sine qua non permettant d’enclencher la responsabilité des administrateurs, il n’en demeure pas moins que les manquements de la société survenus antérieurement peuvent aussi engendrer cette responsabilité. Dans l’affaire Colitto c. Canada, l’Agence du revenu avait émis un avis de cotisation à la société en 2008 étant donné l’absence de remise des déductions à la source aux autorités fiscales et ce n’est qu’en 2011 qu’un certificat attestant l’absence de paiement a été enregistré à la Cour fédérale et qu’un avis de cotisation a été ultimement émis à l’administrateur. Dans son jugement rendu le 2 avril 2020, la Cour d’appel fédérale1, renversant une décision de la Cour canadienne de l’impôt2, a précisé que l’administrateur était responsable pour l’année visée par la cotisation de la société, soit l’année 2008, tout en ajoutant que l’émission du certificat en 2011 ne marque pas le point de départ de la responsabilité de l’administrateur, mais constitue plutôt une condition dont l’absence permettrait d’exonérer l’administrateur. En somme, bien que la présence d’un des événements susmentionnés soit essentielle afin de rechercher la responsabilité de l’administrateur, cette responsabilité n’est pas limitée aux manquements de la société qui sont postérieurs à ces événements. En date du 24 septembre 2020, la Cour suprême a refusé d’entendre l’appel3 du contribuable dans cette affaire.

L’administrateur visé par la cotisation bénéficie de certains moyens de défense s’appuyant davantage sur la diligence raisonnable dont il a fait preuve pour prévenir le manquement que sur les moyens qu’il a pris pour corriger le défaut de remettre les sommes dues aux autorités fiscales ou y remédier. Ainsi, dès que les difficultés financières se présentent, les administrateurs doivent mettre en place une stratégie visant à assurer le paiement des dettes fiscales. La défense de l’administrateur fondée sur une norme objective ne peut être invoquée que s’il a exercé un degré de soin, de diligence et d'habileté comparable à celui qui serait observé chez une personne raisonnablement prudente dans des circonstances comparables.

Voici deux extraits de jugements qui résument bien l’état du droit quant aux moyens de défense qui peuvent être invoqués par les administrateurs.

49. L'approche traditionnelle est celle voulant que l'administrateur a le devoir de prévenir les défauts de versement, et non de les avaliser dans l'espoir qu'il sera ensuite possible de remédier aux problèmes [...]. Une société qui fait face à des difficultés financières pourrait s'hasarder à réaffecter les versements dus à la Couronne afin de payer d'autres créanciers et ainsi assurer la poursuite de ses activités. C'est précisément une telle conjoncture que les articles 227.1 de la Loi de l'impôt sur le revenu et 323 de la Loi sur la taxe d'accise visent à éviter…4

54.  C'est ainsi que les administrateurs qui se sont préoccupés des versements fiscaux de leur société, qui ont pris des mesures raisonnables pour assurer que ces versements soient effectués aux autorités fiscales, qui n'ont pas laissé accumuler les dettes fiscales et qui ont autrement démontré le soin, la diligence et la compétence requis à ces fins pourront souvent plaider avec succès une défense sous le paragraphe 323(3) de la LTA en regard du dernier versement de taxe nette de leur société.5

Finalement, les administrateurs peuvent aussi être responsables des impôts québécois visés par la Loi sur les impôts (loi québécoise) qui sont impayés par la société (et non les impôts fédéraux) en cas de liquidation des actifs de la société jusqu’à concurrence de la valeur des actifs distribués, si un certificat émis par le ministre n’a pas été obtenu par l’administrateur avant qu’il procède à la distribution des biens.

Pour plus d'informations, contactez notre équipe en droit fiscal.


1 2020 FCA 70
2 2019 TCC 88
3 [2020] C.S.C.R. no 168 
4 Buckingham c. Canada, 2011 A.C.F 616
5 Balthazar c. Canada, 2011 A.C.F. 1666

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