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Faillite et insolvabilité

La « super-priorité » de l’État confirmée une fois de plus au détriment des institutions financières dans un contexte de faillite

  • Marie-Claude Gaudreau
Par Marie-Claude Gaudreau Avocate
Le 12 janvier 2012, la Cour suprême du Canada rendait, oralement et sans délibéré, sa toute première décision de l’année.

Cet arrêt, Banque Toronto-Dominion c. Sa Majesté La Reine (2012 CSC 1.), rendue par le Juge LeBel, vient en quelque sorte établir des nouvelles règles dans le jeu (s’il est permis d’appeler cela un jeu…) qu’est celui de la perception par l’État des sommes dues par un débiteur fiscal devenu insolvable au sens de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité (ci-après la « LFI »).

Les faits à l’origine du litige sont bien simples et sont d’ailleurs de nature à transposer de façon quasi identique dans bon nombre de dossiers qui se retrouveront sur les bureaux d’avocats, syndics et banquiers.

Le 11 décembre 2007, l’appelante, la Banque Toronto-Dominion (ci-après appelée la « TD ») reçoit une demande formelle de paiement du ministère du Revenu du Québec, maintenant l’Agence du Revenu du Québec (ci-après appelée l’ « ARQ »), en vertu des paragraphes (1) et (3) de l’article 317 de la Loi sur la taxe d’accise (ci-après appelée la « LTA ») pour un montant d’un peu plus de 12 000 $ dû par la société 9161-3505 Québec inc. à titre de TPS et de TVQ perçues, mais non remises à l’État. Au moment de la signification de cette demande formelle de paiement, la TD détient la somme de 8 868 $ dans un compte bancaire au nom de 9161-3505 Québec inc.

Le 24 décembre 2007, 9161-3505 Québec inc. dépose un avis d’intention de faire une proposition à ses créanciers en vertu de la LFI et le syndic au dossier transmet un avis de surseoir à la TD. 9161-3505 Québec inc. fait cession de ses biens peu de temps après.

Suivant la réception de cet avis de surseoir, et considérant que celui-ci avait priorité et suspendait les effets de la demande formelle de paiement signifiée par le fisc avant l’ouverture des procédures en matière de faillite, mais toujours impayée, la TD a remis au syndic la somme détenue au compte bancaire au débiteur comme faisant partie de son patrimoine et non comme étant propriété de l’État par l’effet de la demande formelle de paiement.

N’étant pas d’accord avec la façon d’agir de la TD, l’État a réclamé directement à la TD les sommes dues par le débiteur fiscal et qu’elle détenait au moment de la demande formelle de paiement, le tout comme le prévoit expressément l’article 317(9) LTA.

C’est ici que se pose le débat : quel est l’effet de la demande formelle de paiement en vertu de l’article 317(3) LTA signifiée avant l’ouverture des procédures de faillite et qui n’a pas été acquittée en date de cette ouverture? Est-ce que l’article 70(1) LFI donne priorité à la faillite sur la demande formelle de paiement, faisant en sorte que les sommes détenues par le destinataire de la demande formelle de paiement appartiennent au débiteur fiscal ou si le droit exercé par l’État en vertu de l’article 317 (3) avant la mise en œuvre de la LFI lui confère dès lors, un droit de propriété sur les sommes détenues et réclamées?

Le plus haut tribunal du pays a tranché la question, confirmant la décision de la Cour d’appel fédérale et rejetant les prétentions de la TD voulant que la demande formelle de paiement devienne caduque à la suite de l’avis de surseoir émis par le syndic. Au contraire, il a plutôt été décidé que la demande formelle de paiement, envoyée avant l’ouverture des procédures de faillite, a pour effet de rendre l’État propriétaire de la somme réclamée, ayant pour effet de la sortir immédiatement du patrimoine du débiteur et, par le fait même, de toute accessibilité pour les créanciers de ce débiteur.

L’autre position, soit celle soutenue par la TD et reprenant les conclusions d’un arrêt récent de la Cour d’appel du Québec en la matière (Sous-ministre du Revenu du Québec c. De Courval, [2009] R.J.Q. 597 (C.A.)), n’a pas été retenue par la Cour. Dans cette affaire, la Cour d’appel avait établi la préséance de l’article 70 LFI par rapport à l’article 317 LTA et le principe selon lequel un montant impayé par une institution financière suivant la réception d’une demande formelle de paiement au moment d’une procédure en matière de faillite n’avait pas à être remboursé par l’institution financière en question puisque les effets de la demande de paiement étaient suspendus par l’ouverture de la faillite.

Le grand gagnant de la situation actuelle telle que confirmée par la Cour suprême ne fait pas de doute. L’État bénéficie d’une capacité encore plus grande de percevoir auprès d’un tiers des sommes dues par un débiteur fiscal, mais aussi les syndics qui verront leur pratique en insolvabilité quelque peu modifiée. Ces derniers seront sans aucun doute consultés par des débiteurs insolvables qui seront plus pressés ou à tout le moins fortement conseillés, par des avocats, des créanciers ou des banquiers, d’agir rapidement afin de modifier la priorité de paiement établie par ce nouvel arrêt, c’est-à-dire bloquer le droit du fisc à la demande formelle de paiement et ainsi éviter par une procédure en faillite qui fait en sorte que l’État puisse percevoir un montant qui ferait autrement partie du patrimoine du débiteur.

Quant aux conséquences de cet arrêt sur la position des créanciers, et plus particulièrement des institutions financières, ils auront tout intérêt à vérifier les causes de ce défaut et de s’assurer qu’aucune somme n’est due à titre de TPS et de TVQ, et ce, dès le moment où un débiteur devient en défaut face à ses obligations. Dans le cas où des sommes apparaîtraient effectivement comme étant dues à ce titre et que le créancier serait en présence d’un débiteur insolvable au sens de la LFI, il sera alors dans l’intérêt du créancier et/ou de l’institution financière que le débiteur dépose un avis d’intention ou fasse cession de ses biens avant que l’État ne signifie sa demande formelle de paiement. Ainsi, la fiducie réputée de l’État n’aurait plus d’existence et la créance de cette dernière serait conséquemment reclassée comme étant « ordinaire » au sens de la LFI.

C’est donc dire qu’en matière de faillite, les réclamations de TPS et de TVQ continuent d’être considérées comme des créances ordinaires, comme c’est le cas depuis la réforme de 1992, sauf dans le cas où une demande formelle de paiement aura été signifiée avant la mise en place des procédures de faillite. Dans ce cas, la responsabilité de l’institution financière pourra être engagée si elle fait défaut de remettre à l’État les sommes détenues au moment de la signification de la demande formelle de paiement.

Comme la demande formelle de paiement demeure opposable à l’institution financière qui la reçoit avant le dépôt d’un avis de surseoir selon l’art 69 LFI, le fait d’agir rapidement sera bénéfique pour l’État dans bien des cas où la faillite aurait mis un frein à cette priorité.

En conclusion, l’État est donc encore mieux positionné pour faire assumer par des tiers des dettes fiscales de contribuables devenus insolvables. Parions que l’ARQ sera de plus en plus vigilante et suivra de façon très rigoureuse ses différents débiteurs fiscaux aux prises avec des retards dans leur remise des taxes perçues. Le moindre défaut ou retard risquera fort probablement de déclencher l’envoi d’une demande formelle de paiement avant qu’une éventuelle procédure de faillite ne soit enclenchée.

Le présent texte est publié à titre informatif seulement et ne constitue pas une opinion juridique. Pour de plus amples renseignements concernant ce sujet ou tout autre sujet connexe, nous vous invitons à contacter l’auteur de ces lignes ou un de nos professionnels.

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