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Litige

L’obligation de renseignement du donneur d’ouvrage et ses conséquences

  • Yannick Crack
Par Yannick Crack Associé - Chef de l'exploitation
Le 23 mars 2016, la Cour supérieure du Québec (ci-après : la « Cour supérieure ») a rendu un jugement intéressant impliquant le Ministère du Transport du Québec (ci-après : le « MTQ ») et l’obligation de renseignement qui lui échoit à titre de donneur d’ouvrage1.

Ce jugement est d’autant plus intrigant puisqu’il concerne l’un des plus grands donneurs d’ouvrage de la province. 

Résumé des faits :

Le 16 juin 2010, le MTQ publie un appel d’offres pour la démolition et la construction d’un pont. Les plans et devis ne contiennent aucune étude géotechnique. Clôtures spécialisées est le plus bas soumissionnaire conforme et remporte l’appel d’offres.

Dès le début des travaux, Clôtures spécialisées constate que le fond de l’excavation est instable et le représentant de la firme de surveillance envoie rapidement un géologue sur les lieux. Une directive de chantier est alors émise : il faut remplacer le coussin granulaire sous le caisson de la coulée par une dalle de béton armé. 

Cet imprévu est d’ailleurs loin d’être le seul problème rencontré lors de l’exécution des travaux. En effet, tout le chantier a été réalisé dans des conditions difficiles. Il a été marqué par des chutes importantes de pluie, des inondations de l’excavation, le débordement de la rivière, le démantèlement d’urgence du pont temporaire à la suite d'un coup d’eau dû à la rupture d’un barrage de castor, etc. 

Au final, Clôtures spécialisées réclame au MTQ des frais additionnels de 148 307, 08 $. Ce dernier, de son côté, impose à Clôtures spécialisées 132 000,00 $ en pénalité de retards, soit 2 000,00 $ par jour, tel que le prévoit la clause pénale du contrat.

Le jugement :

1)    Les principes

Avant de procéder à l’analyse des faits, la Cour supérieure résume les principes de l’obligation de renseignement. Cette dernière contient plusieurs éléments2  :

•    la connaissance, réelle ou présumée, de l'information par la partie débitrice de l'obligation de renseignement;
•    la nature déterminante de l'information en question;
•    l'impossibilité du créancier de l'obligation de se renseigner soi-même, ou la confiance légitime du créancier envers le débiteur.

Cette obligation vise à équilibrer les relations entre les parties à un contrat. Avec le temps, les tribunaux sont devenus plus exigeants à cet égard3. Entre autres, une clause d’exonération ne peut protéger le donneur d’ouvrage des coûts supplémentaires si certains éléments diffèrent de ce qui était indiqué au sein des documents d’appel d’offres4

Dans le contexte où le donneur d’ouvrage fournit à l’entrepreneur des plans et devis provenant de ses propres experts, l’obligation de renseignement se poursuit durant la réalisation de l’ouvrage. En cas d’erreur aux plans et devis, le donneur d’ouvrage doit collaborer avec l’entrepreneur afin de trouver une solution5

2)    La condition des sols et ses effets sur l’échéancier des travaux

Malgré ses importantes ressources internes et externes, le MTQ a manqué à son obligation de renseignement, avant et durant les travaux, fournissant à l’entrepreneur des devis auxquels il était impossible de se conformer en raison de la condition imprévisible des sols. Une partie des retards est donc directement causée par la condition imprévisible des sols. Cela a occasionné des modifications aux plans et devis, et retardé la livraison de l’ouvrage. La Cour supérieure conclut que la clause pénale ne peut s’appliquer dans ces circonstances. Il en va de même pour les pluies exceptionnelles qui ont forcé le démantèlement du pont temporaire.

Par contre, la preuve révèle que Clôtures spécialisées n’est pas sans faute quant aux délais. En effet, la mauvaise organisation de l’entreprise est la source d’une autre portion des retards. Par exemple, les coffrages n’ont pas été construits durant les temps d’attente.

Usant de sa discrétion quant à la preuve présentée, la Cour supérieure attribue ainsi à Clôtures spécialisées la responsabilité de 25 des 66 jours de retard. Clôtures spécialisées devra donc assumer 50 000,00 $ en pénalité et non 132 000,00 $.

3)    Les coûts supplémentaires

Une partie des coûts supplémentaires étant due à la condition imprévisible des sols ainsi qu’au retard que cette situation a occasionné, la Cour supérieure accorde à Clôtures spécialisées la somme de 120 000,00 $ des 148 307,08 $ réclamés. Pour la différence, la responsabilité revient cependant à Clôtures spécialisées, car certaines méthodes de travail utilisées ont causé une diminution de la productivité. 

Nos commentaires sur la décision : 

L’obligation de renseignement du donneur d’ouvrage s’applique autant avant que pendant la réalisation de ce dernier. Lorsqu’un imprévu survient, l’obligation de renseignement comporte une obligation de collaboration pour qu’une solution réaliste, efficace et qui convienne à chacune des parties soit trouvée. 

Un donneur d’ouvrage institutionnel a une obligation de responsabilité plus importante que celle d’un donneur d’ouvrage de plus petite ampleur. Cela se traduit notamment par la fourniture des expertises requises avec les plans et devis. Un donneur d’ouvrage qui dispose d’une plus grande expertise interne, comme c’est le cas pour le MTQ, risque de devoir fournir plus de renseignements et les chances qu’il puisse se prévaloir d’une clause d’exonération sont plus faibles.

Les coûts supplémentaires pour la réalisation d’un ouvrage peuvent être réclamés par l’entrepreneur lorsqu’ils sont occasionnés par des imprévus qui ne figuraient pas aux plans et devis et qui nécessitent des addendas ou s’ils sont occasionnés par des conditions météos qui sortent de l’ordinaire. Par contre, pour obtenir l’ensemble de sa réclamation, l’entrepreneur doit démontrer qu’il n’a rien à se reprocher et qu’il a tout fait ce qu’il était en son pouvoir pour limiter la perte de temps et pour favoriser l’efficacité du chantier. 

 1 2957-4928 Québec inc. (Clôtures spécialisées) c. Québec (Procureure générale) (Ministère des Transports), 2016 QCCS 1262.
 2 Id., par. 25 citant : Banque de Montréal c. Bail ltée, [1992] 2 R.C.S. 554.
 3 Walsh & Brais c. Communauté urbaine de Montréal, 2001 CanLII 20665 (C.A.), par. 273.
 4 Ed Brunet & Associés inc. c. Municipalité de la Pêche, 2004 CanLII 46988 (C.S.), par. 34-43.
 5 Walsh & Brais inc. c. Montréal (Communauté urbaine de), [2001] R.J.Q. 2164.

 

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