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Litige

Stabilité contractuelle confirmée par la Cour suprême : l’affaire Churchill Falls

  • Yannick Crack
Par Yannick Crack Associé - Chef de l'exploitation
Vous avez probablement tous entendu parler dans les médias de la décision de la Cour suprême du Canada sur l’affaire Churchill Falls.

La Cour suprême était, dans ce cadre, saisie d’un appel de décisions rendues par les tribunaux québécois à la suite d’un recours entrepris par Churchill Falls Labrador Corporation Limitée (« Churchill Falls ») contre Hydro-Québec.  Par ce recours, Churchill Falls demandait à la Cour d’obliger Hydro-Québec à renégocier une entente intervenue entre elles, en 1969.

Ce contrat prévoyait de façon spécifique qu’Hydro-Québec s’engageait à acheter, pour une période de soixante-cinq (65) ans, la majeure partie de l’électricité à être produite par la nouvelle centrale, et ce, indépendamment de ses besoins, permettant ainsi à Churchill Falls de financer, par voie d’emprunt, la construction de la centrale.

Hydro-Québec obtenait alors le droit d’acheter l’électricité à prix fixe durant toute la durée du contrat, d’autant plus que c’est elle qui assumait tous les risques reliés au projet.

Or, Churchill Falls, prétendait que, suivant la conclusion du contrat, des changements sont survenus sur le marché de l’électricité et que le prix d’achat de l’électricité fixé au contrat se retrouve bien en-deçà du prix payable sur le marché, permettant à Hydro-Québec de vendre les surplus d’électricité avec un profit très intéressant. Churchill Falls demandait donc aux tribunaux d’obliger Hydro-Québec à renégocier ladite entente afin de revoir le partage des profits générés dans le cadre de l’entente de 1969.

Un élément intéressant de cette décision, est le fait que la Cour suprême, malgré tous les arguments développés par Churchill Falls, confirme le principe de base de stabilité des relations contractuelle qui gouverne les relations entre les parties.

Churchill Falls invoquait la théorie de l’imprévision afin de tenter de réouvrir l’entente.  Cette théorie qui existe dans d’autres juridictions pourrait permettre à des parties qui ont convenu d’un contrat d’invoquer que des conditions imprévisibles au moment de la signature du contrat nécessitent la réouverture et la renégociation de l’entente conclue entre elles.

Là où cette théorie trouve application, deux critères doivent être satisfaits : 

1)    D’abord, l’imprévision ne peut pas être invoquée s’il est manifeste que la partie désavantagée par le changement de circonstances a accepté le risque que de tels changements surviennent. 

2)    Ensuite, l’imprévision s’applique uniquement lorsque la situation nouvelle rend le contrat moins avantageux pour l’une des parties et simplement plus avantageuse pour l’autre.

La Cour suprême confirme cependant que cette théorie, bien qu’intéressante, ne trouve pas application dans le droit civil québécois. En effet, au Québec, c’est le Code civil du Québec qui régit les relations contractuelles entre les parties et lors de la réforme de 1994, le législateur a choisi de ne pas retenir la théorie de l’imprévision en droit québécois et ce concept ne peut donc être importé dans notre droit par la Common Law qui régit le reste du Canada.

La Cour suprême du Canada a retenu la position d’Hydro-Québec à l’effet que le contrat ne devait pas être réouvert par les parties et ne devait pas être renégocié.

La Cour suprême arrive en effet à la conclusion que la bonne foi entre les parties sert à protéger l’équilibre contractuel et elle ne peut servir à contrevenir à cet équilibre et imposer un nouveau marché aux parties puisque la bonne foi n’est synonyme ni de charité, ni de justice distributive.  Les tribunaux ne peuvent l’invoquer pour ordonner un partage de profits par ailleurs honnêtement gagnés dans le cadre d’une entente valablement faite.

Dans ces circonstances, la Cour suprême du Canada reconnaît qu’Hydro-Québec, au moment de la signature du contrat, a accepté de prendre des risques et a donc droit aux profits liés à ce risque, et ce, même s’ils sont plus élevés que ce qui avait été prévu au moment de la conclusion de l’entente.

Dans les faits, la Cour suprême indique que les parties ont conclu un contrat qui répartissait entre elles les risques et les bénéfices liés au projet.

« Le devoir de collaborer avec son co-contractant n’exige pas de sacrifier ses intérêts propres. Le fait qu’Hydro-Québec refuse de renoncer aux avantages du contrat n’est pas un écart de la norme de comportement raisonnable qui justifierait de renverser la présomption qu’une partie agit de bonne foi. Le fait qu’elle insiste sur le respect du contrat malgré le changement imprévu de circonstances qui est allégué ne constitue pas non plus, en l’absence d’autres manquements aux obligations de loyauté, de collaboration ou de coopération, un comportement déraisonnable. Cette prise de position d’Hydro-Québec ne révèle ni intransigeance ni impatience de sa part »

Cette décision met un terme à un débat juridique historique entre le gouvernement du Québec et le gouvernement de Terre-Neuve, et plus particulièrement, entre Hydro-Québec et Churchill Falls.

Cette décision réitère également les principes de base du Code civil du Québec et de la stabilité des relations contractuelles entre les parties.

Enfin, cette décision nous enseigne, une fois de plus, qu’il est important lors de la signature d’un contrat, de prévoir les événements potentiels et la possibilité pour les parties de revoir les termes de leur entente advenant que ces éléments arrivent. En effet, la Cour suprême nous rappelle qu’en l’absence de clause de ce type, les parties ne pourront revoir leur entente advenant des évènements imprévus, et ce, peu importe la durée de ladite entente.

Il est à noter qu’un seul juge a rendu une opinion dissidente dans ce dossier et que la majorité des juges de la Cour suprême étaient d’accord avec les motifs du jugement qui ont été écrits par le Juge Gascon dans ce dossier.

Cet arrêt vient donc confirmer le principe qu’en l’absence des causes de nullité du contrat prévues au Code civil du Québec, le contrat est véritablement la loi des parties.

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