Restez informé de nos articles les plus récents, nos activités de formation et offres d'emploi.

Infolettre Therrien Couture Joli-Coeur

Restez informé de nos articles les plus récents, nos activités de formation et offres d'emploi.

Écrivez-nous

En remplissant ce formulaire, vous permettez à notre équipe de saisir pleinement vos besoins et de vous offrir le service le plus adapté à vos attentes. Merci de votre confiance, nous nous engageons à vous fournir un suivi dans les plus brefs délais.

Travail et emploi

Une première au Québec : un entrepreneur en construction est déclaré coupable de l’homicide involontaire d’un travailleur

  • Claudia Dubé
Par Claudia Dubé Associée
La responsabilité de l’employeur et des dirigeants en matière de santé et de sécurité au travail au cœur de cette condamnation.

Les faits

Gilles Lévesque est décédé le 3 avril 2012 alors que la tranchée dans laquelle il se trouvait, afin de remplacer une conduite d’égout, a été ensevelie par un éboulement. La situation de la tranchée était tellement instable que les secours ont mis beaucoup de temps à dégager M. Lévesque, qui a subi un traumatisme craniocérébral contondant.

M. Stéphane Fournier, entrepreneur en construction et président de la compagnie qui employait M. Lévesque, était également présent sur les lieux. Il a par ailleurs lui-même subi des fractures aux deux jambes lors de l’incident.

On reproche à M. Fournier d’avoir causé la mort de M. Lévesque par négligence criminelle, en commettant un homicide involontaire, car il ne respectait pas les règles du Code de sécurité pour les travaux de construction1 (le « Code »), qui prévoit qu’une tranchée doit être étançonnée solidement avec des matériaux de qualité, conformément aux plans et devis d’un ingénieur.

Le juge Pierre Dupras de la Cour du Québec n’a pas cru la version de M. Fournier, ni qu’elle puisse soulever un doute raisonnable, étant donné les incongruités avec l’ensemble de la preuve. Le Tribunal rejette donc la thèse de la défense à l’effet que la mort de M. Lévesque serait le résultat d’un accident engendré par le comportement imprévisible de ce dernier et conclut que MM. Fournier et Lévesque sont descendus dans la tranchée sans que les mesures de sécurité prévues au Code n’aient été respectées.

La décision

M. Fournier a fait l’objet d’accusations de négligence criminelle ayant causé la mort de M. Lévesque, ainsi que d’homicide involontaire coupable.

L’article 3.15.3 du Code énonce les mesures de sécurité relatives à l’étançonnement des parois d’une excavation ou d’une tranchée et les articles 51 et 236 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail2 (la « LSST ») prévoient l’obligation pour l’employeur de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et l’intégrité physique du travailleur. Un employeur qui ne respecte pas cette obligation commet une infraction.

Le juge résume ainsi les éléments que la Couronne doit prouver hors de tout doute raisonnable afin d’établir la culpabilité de l’accusé :

  1. La conduite qui constitue l’acte illégal;
  2. La mort d’un être humain causée par cette conduite;
  3. Que l’acte illégal est objectivement dangereux;
  4. Puisqu’il s’agit d’une infraction de responsabilité stricte, que la conduite de l’accusé constitue un écart marqué par rapport à la conduite d’une personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances;
  5. Puis, compte tenu de toutes les circonstances, qu’une personne raisonnable aurait prévu le risque de lésions corporelles.

Le Tribunal est d’avis que le fait que l’accusé, employeur de M. Lévesque, ne se soit pas assuré que les parois de la tranchée étaient étançonnées solidement constitue un acte illégal, puisqu’il s’agit d’une contravention claire aux obligations édictées à l’article 3.15.3 du Code.

Cet acte illégal a causé la mort de M. Lévesque et est objectivement dangereux.

La Cour considère que la conduite de l’accusé représente un écart marqué par rapport à la conduite d’une personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances. Le Tribunal relève que plusieurs personnes, témoins de la scène, ont exprimé des inquiétudes au sujet de la tranchée. Les secours ont notamment dû mettre fin à leurs manœuvres et tenter de sécuriser la tranchée avant de poursuivre.

Le Tribunal conclut également qu’une personne raisonnable aurait, dans les mêmes circonstances, prévu le risque de lésions corporelles. Le juge qualifie cette conclusion « d’inéluctable ». Il reconnaît donc l’accusé coupable du second chef d’accusation, à savoir l’homicide involontaire coupable.

À la suite de l’analyse du premier chef d’accusation de négligence criminelle, le tribunal conclut aussi à un verdict de culpabilité. Toutefois, compte tenu de la règle qui prohibe les déclarations de culpabilité multiples conformément à l’arrêt Kienapple3, le Tribunal ordonne l’arrêt conditionnel des procédures sur ce chef.

En conclusion, cette décision rappelle toute la responsabilité que doivent assumer l’employeur et ses dirigeants à l’égard de la gestion de la santé et la sécurité.

Nos professionnels demeurent disponibles pour aider les dirigeants et l’entreprise à adopter des pratiques conformes aux obligations légales qui leur incombent.

Lien vers la décision : http://canlii.ca/t/hqpmh

** Cet article a été écrit en collaboration avec Éliane Boucher, stagiaire en droit. **

1 Chapitre S-2.1, r. 4.

2 Chapitre S-2.1.

3 Kienapple c. La Reine, [1975] 1 RCS 729.

1