Affaires, commercial et corporatif
La fiducie réputée de l’état continue-t-elle de s’appliquer sur les biens vendus par un débiteur fiscal lors d’une transaction d’achat-vente d’actifs?
La fiducie réputée ne s’applique toutefois pas aux biens que le débiteur fiscal vend à un tiers dans le cours normal de ses activités.
C’est l’arrêt très souvent cité First Vancouver Finance c. M.R. N. [2002] 2 RCS 720, qui répond clairement à la question de savoir si les biens vendus par un débiteur fiscal demeurent affectés par la fiducie réputée de l’état. La Cour suprême répond par la négative en précisant que « la fiducie réputée ne s’applique pas aux biens que le débiteur fiscal a vendus à un tiers dans le cadre normal de ses activités. »². « Ainsi, lorsque le débiteur fiscal vend un élément de son actif, la fiducie réputée cesse de s’appliquer à cet élément, mais la contrepartie touchée est dès lors détenue en fiducie. »³. « Le débiteur est donc libre de se départir d’un bien détenu en fiducie dans le cadre normal de ses activités, ce bien étant alors remplacé par le produit de la vente. »4 C’est le cas classique du vendeur de matériaux qui vend à des clients dans le cours normal de ses activités, au quotidien. L’acquéreur n’encourra aucune responsabilité pouvant découler de cet achat, même si le vendeur qui lui a vendu les matériaux doit des sommes aux autorités fiscales.
Mais qu’en est-il des biens acquis par un tiers-acquéreur suivant une transaction d’achat-vente d’actifs visant les biens d’un débiteur fiscal, transaction qui sera faite hors du cours normal des affaires de ce débiteur fiscal?
Dans les faits et en pratique, il y a peu de chances que le tiers-acquéreur fasse l’objet d’une réclamation par les autorités fiscales pour des dettes fiscales dues par le vendeur, sauf si la transaction vise à soustraire les biens acquis de l’emprise de la fiducie réputée et si le prix payé ne correspond pas à une juste valeur des biens. Dans ces cas, les autorités fiscales pourraient prétendre que la fiducie réputée de l’état continue d’affecter les biens acquis, mais devront en faire la preuve. En pratique, les autorités fiscales vont plutôt revendiquer des droits sur le produit de la vente à être perçu par le débiteur fiscal plutôt que des droits dans les biens acquis par le tiers-acquéreur. Aux termes de la transaction d’achat des actifs, l’acquéreur sera présumé être un tiers-acquéreur de bonne foi, ce qui militera à notre avis en faveur de la thèse de libération des biens acquis de la fiducie réputée de l’état.
Malgré ce qui précède et encore plus dans les cas où la transaction d’achat-vente des actifs permettrait la continuation par le tiers-acquéreur de l’entreprise du débiteur fiscal, il serait à notre avis plus prudent de protéger l’acquéreur en effectuant des vérifications auprès des autorités fiscales pour obtenir le détail des sommes qui pourraient être dues par le vendeur, mais également, même si les autorités fiscales indiquent que rien n’est dû, de prévoir une clause d’indemnisation à même la transaction de vente pour toute réclamation fiscale éventuelle qui pourrait être faite à l’acquéreur suite à l’acquisition des actifs.
Également, si des sommes s’avèrent dues aux autorités fiscales aux termes des recherches effectuées préalablement à la signature de la transaction, il s’avère dans un tel cas important de prévoir un mécanisme pour s’assurer du paiement complet desdites sommes à même le produit de la vente, question d’éviter toute réclamation éventuelle.
¹Application beaucoup plus restreinte sur les immeubles.
²Para 46.
³Para 42.
4Para 40.