Immobilier et construction
Délai de dénonciation d’un vice caché graduel affectant une habitation construite et vendue par un entrepreneur
Un entrepreneur construit une résidence et la vend, avec la garantie légale, à un particulier. Plusieurs années après la vente, l’acheteur constate à quelques reprises la présence d’une légère infiltration d’eau à un endroit précis du sous-sol.
L’acheteur n’en fait initialement pas de cas jusqu’à ce qu’une infiltration, plus importante cette fois, apparaisse au même endroit plus d’un an après la première manifestation. À ce moment, l’acheteur transmet une lettre à l’entrepreneur pour lui dénoncer l’existence et les circonstances de la découverte de cette problématique qu’il considère être un vice caché. L’entrepreneur décide de ne pas donner suite à cette lettre puisqu’il est d’avis que le recours de l’acheteur est nécessairement voué à l’échec vu le délai passé entre son envoi et la toute première infiltration d’eau. L’entrepreneur a-t-il raison de penser et d’agir ainsi ?
La réponse est non, pour les raisons suivantes:
L’article 1739 du Code civil du Québec prévoit l’obligation de l’acheteur de dénoncer l’existence d’un vice par écrit dans un délai raisonnable de sa découverte. La durée de ce « délai raisonnable » peut varier dans les faits de quelques semaines à plusieurs mois suivant les circonstances propres à chaque cas.
Le point de départ dudit « délai raisonnable » est la découverte du vice. En cas de problématique qui se manifeste graduellement, telle la survenance sporadique d’infiltrations d’eau minimes, ce délai commence à courir à partir du moment où l’acheteur a pu en soupçonner la gravité et l’étendue. Cette connaissance « effective » du vice peut parfois être acquise par l’acheteur uniquement après avoir fait appel à un expert pour en déterminer l’ampleur et connaître le correctif requis.
Par ailleurs, l’article précité du Code civil du Québec prévoit également que le vendeur qui connaissait le vice ou ne pouvait l’ignorer ne peut invoquer la tardivité de la dénonciation pour éviter sa responsabilité. Or, l’entrepreneur en construction sera généralement considéré comme étant un vendeur professionnel ne pouvant ignorer le vice, sauf s’il est en mesure de renverser cette présomption de connaissance par une preuve contraire, ce qui constitue un lourd fardeau.
Il demeure toutefois que même dans le cas où l’entrepreneur est présumé connaître le vice, l’empêchant ainsi d’invoquer la tardivité de la dénonciation, l’acheteur devra obligatoirement lui dénoncer la problématique avant l’exécution de tous travaux correctifs, et ce, pour respecter le droit de l’entrepreneur à une défense pleine et entière de même que son droit de procéder par lui-même à tous correctifs qui pourraient s’imposer, le cas échéant.