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Propriété intellectuelle

Google c. Equustek Solutions; un nouveau recours pour la protection de votre propriété intellectuelle?

La récente décision de la Cour Suprême Google Inc. c.Equustek Solutions Inc.¹ marque le début d’une certaine ouverture, par les tribunaux canadiens, à considérer le rôle des moteurs de recherches dans l’aggravation ou la continuation d’un préjudice en matière de violation de la propriété intellectuelle.

En 2011, Equustek Solutions Inc., une société britanno-colombienne spécialisée dans la fabrication d’équipement de réseautique (« Equustek »), intenta une action à l’encontre de Morgan Jack, Datalink Technology Gateways Inc. et Datalink Technologies Gateways LLC (« Datalink »). Equustek prétendait alors que Datalink, pendant qu’elle agissait à titre de distributeur de ses produits, aurait réétiqueté un de ses produits afin de le faire passer pour le sien et acquis de ses renseignements confidentiels et de ses secrets commerciaux. Après avoir contesté les allégations d’Equustek, Datalink finit par plier bagage et continua à vendre ses produits à partir d’un endroit inconnu.

Face à l’impossibilité d’empêcher Datalink d’exercer ses activités illégales, Equustek demanda à Google de cesser l’indexation des sites Web de l’entreprise contrevenante. Google refusa en exigeant d’Equustek qu’elle obtienne une ordonnance judiciaire interdisant à Datalink d’exercer ses activités sur Internet. La Cour suprême de Colombie-Britannique décerna alors cette injonction. Entre décembre 2012 et janvier 2013, Google procéda à la désindexation de près de 345 pages Web, mais seulement quant aux recherches effectuées à partir de l’adresse google.ca. De plus, tel que mentionné, la désindexation s’effectua seulement pour des pages Web spécifiques et non pour l’intégralité des sites Internet de Datalink. Cette opération n’eut donc pas l’effet escompté puisque Datalink fut en mesure de déplacer le « contenu répréhensible » vers de nouvelles pages de ses sites Web. 

Voyant l’inefficacité de la mesure, Equustek demanda une injonction interlocutoire visant « à interdire à Google d’afficher toute partie des sites Web de Datalink dans ses résultats de recherches », et ce, à travers le monde. En première instance, l’ordonnance fut accordée2 sous les motifs que le préjudice irréparable « était facilité par le moteur de recherche de Google, qu’Equustek n’avait d’autre choix d’exiger que Google déliste les sites Web de Datalink, que Google ne subirait pas d’inconvénient et que, pour que l’ordonnance soit efficace, il fallait empêcher que les sites Datalink soient affichés dans tous les résultats de recherche de Google, et non seulement dans ceux de google.ca ». La Cour d’appel de la Colombie-Britannique rejeta l’appel de Google de la décision de première instance3 en expliquant que la Cour suprême de la Colombie-Britannique avait « compétence personnelle à l’égard de Google et qu’elle pouvait donc rendre une ordonnance ayant des effets extraterritoriaux ». La Cour d’appel reconnut également que « les tribunaux investis d’une compétence inhérente pouvaient accorder une réparation en equity contre des tiers »4.

Insatisfait de la décision de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique, Google porta cette décision devant la Cour Suprême laquelle rejeta le pourvoi à la majorité. Les principaux arguments de Google gravitaient autour de la pertinence et des assises juridiques du fait d’accorder une injonction de portée mondiale. La Cour Suprême expliqua alors qu’afin de véritablement empêcher le préjudice irréparable, il était nécessaire que l’injonction en question ait une portée mondiale, l’Internet n’ayant pas de frontières. Selon elle, « la seule façon de s’assurer que l’injonction interlocutoire atteint son objectif est de la faire appliquer là où Google exerce ses activités, c’est-à-dire mondialement. »5 Google avançait également que l’injonction en question pourrait faire en sorte qu’elle contrevienne aux lois d’un autre pays dont, notamment, en portant atteinte à la liberté d’expression. La Cour rétorqua qu’aucune preuve n’avait été portée à cet effet et que, de toute façon, il était possible pour l’entreprise de demander aux tribunaux de la Colombie-Britannique de modifier l’ordonnance interlocutoire si une telle situation survenait. Au surplus, l’injonction n’exige pas que Google surveille le contenu sur Internet, mais bien qu’elle déliste des sites Web précis. L’entreprise ne pouvait donc invoquer l’argument du caractère neutre de son contenu. Quant aux inconvénients qu’elle subirait, la Cour est d’avis qu’ils ne sont pas appréciables puisque Google procède déjà à la désindexation de certains sites Web à caractère illégal. 

En conclusion, il y a lieu de rappeler que l’injonction dont il est question était portée au stade interlocutoire, et qu’il s’agit d’une procédure exceptionnelle. Avant de tenter ce type d’action, plusieurs facteurs doivent être pris en considération, dont notamment, la disponibilité d’autres recours et les inconvénients que celle-ci apporte au tiers visé par la requête.  Notons toutefois qu’avec l’évolution rapide du commerce électronique, il y a fort à parier que nous entendrons parler de cette décision au cours des prochaines années. 

1 2017 CSC 34 (CanLII).

2 2014 BCSC 1063 (CanLII).

3 2015 BCCA 265 (CanLII).

4 Préc., note 1.

5 Id.


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