Restez informé de nos articles les plus récents, nos activités de formation et offres d'emploi.

Infolettre Therrien Couture Joli-Coeur

Restez informé de nos articles les plus récents, nos activités de formation et offres d'emploi.

Écrivez-nous

En remplissant ce formulaire, vous permettez à notre équipe de saisir pleinement vos besoins et de vous offrir le service le plus adapté à vos attentes. Merci de votre confiance, nous nous engageons à vous fournir un suivi dans les plus brefs délais.

Litige

La joute politique et les tribunaux; attention aux fausses accusations!

Le 31 mai 2017, la juge Chantal Sirois de la Cour du Québec rendait un jugement¹ mettant en vedette trois politiciens bien connus et dont les faits en litige ont été largement médiatisés.

Maire de Brossard depuis 2009 et au cours des années 1990 à 2001, M. Paul Leduc poursuivait en diffamation deux politiciens pour des propos tenus à son égard la semaine précédant l’élection provinciale du 7 avril 2014 et le jour suivant. Les propos de Mme Fatima Houda-Pepin, ex-députée libérale de 1994 au scrutin du 7 avril 2014, et de M. Alphonse Lepage, maire de Brossard entre 1978 et 1982, ont donc été passés sous la loupe judiciaire. 

Lors des élections provinciales du 7 avril 2014, Mme Houda-Pépin, en tant que candidate indépendante autorisée, affrontait M. Gaétan Barrette, candidat sous la bannière libérale et actuel ministre de la Santé et des Services sociaux. Après avoir déclaré aux médias qu’il n’appuyait pas de candidat de sa circonscription aux élections provinciales, M. Leduc a transféré un courriel à tous les membres et anciens membres de son parti municipal, qui avaient toujours une adresse courriel enregistrée dans les registres, une semaine avant le scrutin. Dans ce courriel, M. Leduc s’adressait à M. Jean Charest quatre ans plus tôt et blâmait sévèrement l’ex-députée pour son manque de collaboration ainsi que son inaptitude à agir comme intermédiaire entre la Ville de Brossard et les autorités provinciales. Ce même courriel a ensuite été diffusé par une tribune locale, Mediasud.ca. 

À la lumière de ces faits, M. Lepage, jouissant d’une notoriété enviable dans la région, a publié un article dans l’hebdomadaire Le Rive-Sud Express.ca au ton accusateur envers M. Leduc. Cet article reproche notamment à M. Leduc d’avoir fait une sortie indigne d’un maire contre l’ex-députée, alors que celle-ci a joué un rôle appréciable dans l’obtention de subventions considérables pour la Ville et le comté. Tout en faisant l’éloge de la députée, M. Lepage note erronément que M. Gaétan Barrette a bénéficié des services de l’équipe de M. Leduc, et que celui-ci a refusé une subvention de 6M$ pour un centre aquatique. Bien que les informations soient inexactes, la cour a décidé que M. Lepage n’avait pas diffamé le maire actuel de Brossard. Dans ce contexte politique particulier, la liberté d’expression protégeait les opinions émises par M. Lepage en guise de contrepoids à la sortie publique du maire actuel. La cour ajoute même que les tribunaux doivent s’abstenir de s’immiscer dans la joute politique lorsque les propos tenus sont acceptables et pertinents, comme en l’espèce2.

 
Si la cour a décidé que M. Lepage n’avait pas commis d’acte diffamatoire envers l’ancien maire, il en est toutefois autrement en ce qui concerne les affirmations de l’ex-députée.Réagissant à la sortie de M. Leduc, en pleine campagne électorale, Mme Fatima Houda-Pepin a affirmé avec force et persistance, sur plusieurs tribunes et à plusieurs reprises, que le maire et son personnel ont livré une élection « clé en main » à M. Gaétan Barrette, que M. Leduc a utilisé un « prête-nom » pour participer à une soirée de financement et qu’il a utilisé les fonds publics de la municipalité pour favoriser l’élection de M. Gaétan Barrette. Selon la Cour du Québec, c’est là que le bât blesse. La liberté d’expression dans l’arène politique ne permet pas de faire de fausses allégations de corruption, de malversation, ou de malhonnêteté, fragilisant ainsi la confiance du public envers un élu. De tels actes, s’ils avaient réellement été commis, seraient susceptibles d’être sanctionnés par le code criminel.

Même si l’ex-députée devait répondre rapidement à un coup bas du maire Leduc, la cour a conclu qu’elle n’était pas justifiée d’avoir réagi de la sorte, ni d’avoir persisté dans la même veine devant les tribunaux. La cour note même que Mme Fatima Houda-Pépin ne nuance pas plus ses propos devant les tribunaux qu’elle ne l’avait fait 3 ans plus tôt. Ces graves allégations ont été hautement médiatisées et ont causé de graves dommages au maire Leduc. La cour condamne donc l’ex-députée Fatima Houda-Pepin à la totalité des dommages-intérêts réclamés par le maire Leduc, soit 20 000$, en plus des dommages-intérêts punitifs de 4 000$ à titre préventif, puisque celle-ci, indifférente face aux dommages causés au maire, n’éprouve manifestement aucun remords. D’ailleurs, elle a déclaré vouloir porter ce jugement en appel. 

Dans ce jugement, la Cour du Québec confirme alors que la liberté d’expression permet l’atteinte à la réputation d’un politicien ou d’une personnalité publique, même par de fausses allégations, dans la limite où celles-ci sont inférées de façon légitime et raisonnable de faits véridiques ou basées sur des faits qui ont fait l’objet d’une vérification, même rapide. Cependant, les propos ne doivent pas insinuer la fraude, la malversation, l’abus ou la corruption. Ainsi, dans l’ère de la Commission Charbonneau, les politiciens doivent définitivement faire preuve de retenue dans l’emploi de certains mots à connotation frauduleuse lorsqu’ils critiquent leur adversaire. 

Cette affaire démontre une fois de plus qu’il n’est jamais facile de déterminer qui a raison lorsque deux droits fondamentaux comme le droit à la réputation et la liberté d’expression s’affrontent, mais il faut rester mesuré dans ses propos, surtout à l’ère des médias sociaux. 
 

1Leduc c. Houda-Pepin, 2017 QCCQ 5661.

2Id., par. 219.

0