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Litige

Stratégie occulte, congédiement illégal et mauvaise foi, les dessous de la décision Bois Américana inc.

  • Yannick Crack
Par Yannick Crack Associé - Chef de l'exploitation
Bien que portée en appel, la récente décision Bois Américana inc. c. Corporation Polystar inc.¹ frappe l’imaginaire; un groupe d’investisseurs qui, de concert, auraient manœuvré afin de soutirer les actifs d’une entreprise au détriment de certains de ses actionnaires.

Cette décision rappelle qu’entre les actionnaires il peut exister de fortes divergences au niveau de leurs intérêts respectifs et que l’adoption de règles strictes et efficaces pour la gestion et la conduite d’une société s’avère cruciale dans de telles circonstances. 

Dans cette décision, Jacques Bérubé et deux de ses sociétés : Les Bois Américana inc. et les Poutres Lamellées Leclerc inc. (les « demandeurs »), reprochent aux autres actionnaires de Corporation Polystar inc. (« Polystar ») (Polystar et les autres actionnaires de Polystar étant collectivement appelés les « défendeurs ») d’avoir manœuvré, en mettant en place une stratégie occulte, afin de s’accaparer certains actifs de Polystar. 

La Cour supérieure estime que la série d’abus de droit commis par les défendeurs se compose en trois temps. 

Dans un premier temps, les défendeurs auraient retiré sans motif valable leur appui financier à la division forestière de Polystar alors que celle-ci était sur le point d’acquérir un important joueur. Ce retrait s’inscrivait dans une vision diamétralement opposée de celle de M. Jacques Bérubé, l’âme dirigeante de l’entreprise, lequel fut également destitué. Ensuite, lorsque les demandeurs ont tenté de relancer les entreprises forestières de Polystar, les défendeurs ont fait en sorte de retarder la reprise, entrainant ainsi la faillite de celles-ci. Finalement, les défendeurs se sont appropriés les actions des demandeurs sans leur verser de contrepartie. 

Selon la Cour, le congédiement de M. Bérubé aurait été fait de façon illégale. L’article 123.79 de la Loi sur les compagnies, applicable à l’époque, prescrit qu’un administrateur faisant l’objet d’une destitution doit être convoqué préalablement. Il aurait donc été congédié et destitué de ses fonctions de président et de son poste d’administrateur de Polystar et de ses filiales sans avoir été entendu ou avoir pu donner des explications. La réunion du conseil d’administration menant à la destitution de M. Bérubé aurait également été faite en contravention même avec les règlements de Polystar. Le tribunal retient que ces agissements illégaux, en tenant également compte des fins pour lesquelles ils ont été commis, constituent un abus de droit de la part des défendeurs. De plus, la réembauche de Jacques Bérubé et le fait que ce dernier ait donné par la suite sa démission, sous la pression, ne peuvent être assimilés à une démission véritable. Ce dernier n’ayant pas donné son consentement libre et éclairé.

Quant au rachat des actions des demandeurs sans contrepartie, le tribunal estime que la clause de la convention d’actionnaires sur laquelle se basent les défendeurs afin de justifier leurs agissements ne permet pas ce type de transaction. L’interprétation des défendeurs de cette clause serait de nature d’une dation en paiement, laquelle est prohibée par le législateur selon l’article 1801 du C.c.Q

La responsabilité des actionnaires ayant participé au stratagème a été reconnue. Bien que, comme l’explique l’honorable Manon Lavoie, « les paramètres qui guident les administrateurs et dirigeants d’une société spécialisée dans l’octroi de financement à risque ne suivent pas les règles habituelles qui encadrent les entreprises de financement dans le cours normal des affaires, n’ayant pas à assumer des obligations à long terme envers la débitrice, ils sont toutefois tenus d’assurer le succès de l’entreprise ». Ils étaient également tenus de respecter la loi et d’éviter de nuire à autrui. 

Pour ce qui est des administrateurs de Polystar ayant pris part à cette stratégie, leur responsabilité a également été retenue. De par leur comportement fautif, ils n’auraient pas agi dans l’intérêt de Polystar, mais plutôt pour les actionnaires qui les ont nommés. Leurs actes ne sont nullement justifiables, ont été commis de mauvaise foi et ne peuvent s’inscrire sous l’angle de la décision commerciale raisonnable. 

Constatant ces abus, la Cour supérieure accorde à Jacques Bérubé l’équivalent de deux ans de salaire à titre de délai-congé ainsi que la somme de 200 000 $ en dommages-intérêts en raison de son congédiement illégal et du fait que celui-ci était un élément essentiel de la stratégie obscure des défendeurs afin de brimer les demandeurs de leurs droits. 

Elle accorde également aux demandeurs la somme 4 012 950 $ pour la contrepartie qui aurait dû leur être attribuée en fonction de leurs parts respectives dans Polystar.

En terminant, la décision Bois Americana inc. rappelle le fait qu’en tant qu’investisseur, vous êtes imputable des actions que vous prenez au sein d’une entreprise. Cette position ne vous soustrait pas de votre obligation d’assurer le succès de l’entreprise dans laquelle vous investissez et encore moins de celle vous obligeant à respecter la loi et d’éviter de causer préjudice aux autres actionnaires.  

  2016 QCCS 6255 (ci-après désignée, « Bois Américana inc. »)

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