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Nouveau plan stratégique: êtes-vous un lobbyiste qui s'ignore?
Le 29 mai 2014, Me François Casgrain, commissaire au lobbyisme québécois, rendait public le Plan stratégique 2014-2018. Ce 3e plan stratégique énonce les lignes directrices du Commissaire pour les quatre (4) prochaines années, et est identifié sous le titre: La transparence, une responsabilité partagée. L’objectif principal du Commissaire jusqu’en 2018 sera donc de partager la responsabilité du lobbyisme québécois aux différents acteurs du système, à savoir, les citoyens, le Commissaire lui-même, les titulaires de charges publiques et, évidemment, les lobbyistes.
Il est souvent surprenant de voir à quel point les lois québécoises sur le lobbyisme sont peu connues du public. Bien que ces lois soient entrées en vigueur il y a plus de dix (10) ans, la majorité des individus qui y sont assujettis ne sont pas inscrits au registre des lobbyistes et, pire encore, ignorent même qu’ils sont visés par ces lois. En fait, avec moins de 6 000 lobbyistes inscrits au registre au moment d’écrire ces lignes, on peut estimer que moins de 10 % des personnes visées par ces lois y sont inscrites.
Le peu d’intérêt que porte le public au respect de cette loi n’est pas surprenant, puisque le nombre de condamnations ou de sanctions imposées par le Commissaire depuis l’entrée en vigueur de la loi, se compte pratiquement sur les doigts de la main. La population fonctionne généralement au bâton ou à la carotte, et jusqu’à maintenant, le Commissaire n’a fourni ni l'un, ni l’autre.
Qu’on pense aux ingénieurs, aux comptables, aux présidents d’entreprises ou même aux avocats, la plupart de ces professionnels communiquent avec des titulaires de charges publiques sur une base régulière. La majorité de ces personnes sont en fait, sans le savoir, des lobbyistes.
Bien que la Loi sur l’éthique et la transparence en matière delobbyisme prévoie plusieurs critères pour identifier un lobbyiste, et bien qu’elle souffre d’un bon nombre d’exceptions, la règle générale impose aux personnes qui communiquent avec la fonction publique de s’enregistrer et de déclarer leurs activités au Commissaire.
Vu le faible pourcentage de la population qui respecte présentement la Loi, le nouveau plan stratégique du Commissaire demandera la participation des différents acteurs du système de lobbyisme au Québec pour permettre l’application de la Loi.
Le plan prévoit par exemple que les titulaires de charges publiques devront maintenant faire partie du processus de vérification du Commissaire. Le ministère des Transports (ci-après "MTQ") a déjà ouvert la marche avec une directive interne, exigeant de ses employés qu’ils s’abstiennent de traiter de quelque façon que ce soit avec un lobbyiste qui n’est pas inscrit au registre des lobbyistes. Le MTQ exige aussi que tous ses employés vérifient préalablement au registre si les lobbyistes qu’ils s’apprêtent à rencontrer y sont bien inscrits. Si tel n’est pas le cas, l’employé doit demander au lobbyiste de s’inscrire dans les délais prévus à la Loi. Les employés qui ne se conforment pas à cette directive seront sujets à des sanctions disciplinaires.
De telles dispositions risquent maintenant de se multiplier, de sorte que d’ici quelques années, il est possible qu’il soit très difficile pour les personnes non-inscrites de communiquer avec des titulaires de charges publiques.
L’enjeu numéro un du nouveau plan stratégique est de faire connaître et de respecter les lois sur le lobbyisme. Le Commissaire a donc également l’intention, durant les quatre (4) prochaines années, d’augmenter le nombre de vérifications et d’enquêtes effectuées, de multiplier les sanctions et d’offrir une meilleure présence au lobbyisme sur la scène publique.
Comme toujours, les thèmes de l’éthique et de la transparence sont récurrents au nouveau plan stratégique, lequel vise à répondre aux inquiétudes des Québécois quant au peu de confiance qu’ils portent envers les institutions publiques. Du point de vue des Québécois, les décisions gouvernementales sont prises en secret par une poignée d’individus et sont largement influencées par des intérêts privés qu’il est difficile d’identifier.
Nous sommes maintenant, selon le Commissaire, à la croisée des chemins, de sorte qu’il est impératif d’augmenter la sensibilisation des citoyens aux lois sur le lobbyisme, d’accroître l’implication des différents acteurs au respect de la Loi ainsi que d’augmenter les sanctions contre les personnes qui y résistent toujours.
En conséquence du nouveau plan stratégique, il est à prévoir que plusieurs professionnels et entreprises se verront approcher durant les prochaines années pour voir au respect de la Loi. Alors que certains devront retourner trois (3) ans en arrière pour vérifier les activités de lobbyisme qu’ils ont pu exercer dans le passé, il est probable que plusieurs devront même modifier leur modèle d’affaires, qui pourrait s’avérer illégal en vertu des lois sur le lobbyisme.
L’individu ou l’entreprise qui communique à l’occasion avec des titulaires de charges publiques fera bien de vérifier dans les meilleurs délais, dans quelle mesure il peut être visé par les lois sur le lobbyisme, puisqu’il semble qu’après douze (12) ans d’attente, celles-ci seront finalement appliquées avec un peu de sérieux.