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Litige

L'inspection sur le terrain par l'inspecteur municipal: une obligation ou une option?

En 2013, une décision de la Cour supérieure est venue rappeler l’étendue limitée de la responsabilité d’une municipalité pour les gestes posés par ses inspecteurs municipaux.

Résumé des faits

En 2003, les demandeurs projettent de construire un chalet en bois rond sur un des lots leur appartenant dans le Canton d’Orford.

N’ayant aucune expérience à titre d’entrepreneur, les demandeurs contactent la municipalité et son service d’inspection afin de se renseigner sur la bonne marche à suivre pour la réalisation de leur projet.

Les inspecteurs du Canton dirigent les demandeurs vers une firme spécialisée dans la réalisation de plans et devis pour l’implantation de nouvelles résidences en milieux isolés. C’est la firme Poly-Tech qui est alors mandatée par les demandeurs pour participer à la planification de leur projet.

Poly-Tech produit alors une série de rapports sur une période s’étalant de novembre 2003 à septembre 2004. En septembre 2004, sur la base des plans de Poly-Tech, les inspecteurs de la Municipalité accordent aux demandeurs un permis de construction et, après réception de l’autorisation du Ministère de l’Environnement pour l’installation d’un système de type Bionest en novembre 20041, le permis de construction des installations septiques est également émis.

Les demandeurs font couler les fondations de leur immeuble et commencent à monter les murs de bois rond entre novembre 2004 et mai 2005. Ils engagent des sommes substantielles dans cette construction.

Cependant, vers les mois de mai-juin 2005, un inspecteur de la municipalité reçoit un appel anonyme à l’effet qu’un puits se trouvant sur le terrain voisin de celui des demandeurs ferait en sorte que la construction du nouveau bâtiment ne respecterait pas le dégagement requis par le Règlement sur l’évacuation et le traitement des eaux usées des résidences isolées2 .

Un inspecteur municipal se déplace alors sur les lieux, localise ce qui serait le puits en question sur le terrain du voisin et procède aux tests permettant de confirmer qu’il s’agit bien d’un puits alimentant la résidence en eau. 

Une fois la situation problématique confirmée, l’inspecteur municipal avise verbalement les demandeurs qu’il y a un problème sérieux qui vient d’être détecté et que leur permis de construction sera retiré si une solution acceptable et conforme aux règlements n’est pas trouvée.

À l’été 2005, tant les demandeurs Poly-Tech et les inspecteurs municipaux étudient différentes solutions, allant même jusqu’à songer au déplacement des fondations, mais rien n’y fait : le terrain sur lesquels construisent les demandeurs est simplement trop petit pour respecter les normes réglementaires.

Le 5 octobre 2005, le permis de construction des demandeurs est retiré et l’ouvrage est abandonné. En octobre 2008, les demandeurs intentent un recours contre le Groupe Poly-Tech et la Municipalité du Canton d’Orford.

Ils reprochent essentiellement à Poly-Tech d’avoir commis une faute en n’ayant pas détecté la présence du puits chez le voisin alors que c’était dans son mandat, à titre de professionnels engagés afin de préparer des plans et devis conformes à la réglementation en vigueur, de le faire.

À la municipalité, via ses inspecteurs municipaux, ils reprochent de ne pas avoir fait une visite des lieux pour confirmer les informations transmises dans les plans du Groupe Poly-Tech, d’autant plus que les plans initiaux faisant mention que le puits voisin restait toujours à être localisé.

Le jugement

Le recours des demandeurs a été accueilli contre le Groupe Poly-Tech et rejeté quant à la municipalité.  

Le juge St-Pierre a déterminé que Poly-Tech aurait dû détecter que le projet tel qu’envisagé par les demandeurs ne respectait pas les dégagements requis par la législation provinciale, d’autant plus que les représentants de Poly-Tech étaient allés à au moins deux reprises marcher le terrain de ce voisin. Il est à noter que le voisin aurait affirmé qu’il n’y avait qu’une station de pompage sur son terrain. Étant donné les informations contradictoires recueillies par Poly-Tech, le juge a déterminé que la firme aurait dû procéder à des vérifications supplémentaires avant d’émettre son rapport.

Quant aux inspecteurs municipaux, le juge a déterminé qu’ils n’avaient pas commis de faute, notamment parce que la législation provinciale applicable n’exige pas qu’ils effectuent des inspections sur place pour contrevérifier les plans préparés par une firme spécialisée comme Poly-Tech.

Cette décision repose en partie sur l’application des principes découlant de l’arrêt Ingles c. La Cité de Toronto3 de la Cour Suprême du Canada.

Il convient donc de résumer les principes applicables au travail des inspecteurs municipaux dans l’application des règlements, tant municipaux que provinciaux:

1) Pour que les inspecteurs municipaux soient tenus d’inspecter les lieux visés par une demande de permis, cette obligation de procéder à une inspection doit être prévue dans la réglementation municipale ou provinciale que les inspecteurs ont le devoir de faire respecter;

2) En l’absence d’une telle obligation d’inspection prévue dans les règlements, les municipalités peuvent décider par elles-mêmes de se doter d’une politique d’inspections obligatoires sur place;

3) S’il n’y a aucune obligation d’inspection prévue à la réglementation et aucune politique municipale en ce sens, l’inspecteur qui procède à une inspection sur place à sa propre initiative, engage tout de même la responsabilité de la municipalité si cette inspection n’est pas faite de façon diligente;

4) De plus, les inspecteurs ont un devoir de renseignement auprès de la population, c’est-à-dire qu’ils doivent orienter ou indiquer aux demandeurs de permis comment satisfaire les exigences de la réglementation applicable à leur projet. Si un inspecteur s’implique davantage, par exemple en assistant le citoyen dans l’élaboration de ses plans et devis, il peut engager la responsabilité de la municipalité s’il commet une faute;

5) Il tombe sous le sens que les inspecteurs municipaux n’ont pas à aller valider sur le terrain des plans et devis fournis par une firme de professionnels dont c’est précisément le mandat et qu’ils peuvent émettre des permis sur la base de ces plans et des informations qui y sont contenues. Il faut cependant que les plans remis soient conformes aux exigences de la réglementation;

6) Le rôle premier des inspecteurs municipaux est de vérifier le respect de la réglementation municipale et provinciale. Ils ne doivent pas s’impliquer personnellement ou conseiller les citoyens sur leurs projets, aussi tentant que cela puisse être;

7) Lorsqu’un citoyen fournit une information erronée à la municipalité, c’est à lui qu’il revient de supporter les conséquences de l’inexactitude des renseignements fournis;

8) C’est donc au citoyen de s’assurer que le projet qu’il présente est conforme à la réglementation en vigueur, en ayant pris soin d’obtenir toute l’information nécessaire pour se faire;

9) Les municipalités ne sont pas les assureurs des citoyens, sur qui repose un devoir de diligence dans l’élaboration et l’exécution de leurs projets.

Voilà donc neuf principes développés par les tribunaux pouvant servir à guider un inspecteur municipal dans l’accomplissement de ses fonctions au quotidien.

Le jugement rendu par le juge St-Pierre vient, à notre avis, confirmer ces principes. Dans la situation complexe en cause, un faux pas des inspecteurs municipaux aurait pu engager la responsabilité de la municipalité, faux pas qu’ils n’ont heureusement pas commis.

1Alors requis.
2À l’époque le Q-2, R.8 et aujourd’hui Q-2, R.22. 
3[2001] 1 S.C.R. 298

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