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Disciplinaire et professionnel

Les syndics face aux obligations de confidentialité

L’affaire Champagne c. Banque Canadienne Impériale de Commerce (CIBC)1 n’a peut-être pas fait couler autant d’encre que l’arrêt Aviva, abordé précédemment dans le billet de Me Millette-Gagnon, mais demeure tout aussi éclairante sur les pouvoirs d’enquête des syndics des ordres professionnels et des organismes d’autorégulation, notamment au regard au droit à la vie privée et des obligations de confidentialité des sociétés soumises à des obligations de protection des renseignements personnels.
 
Alors que Placement CIBC, filiale de la Banque CIBC en matière de placement, mettait fin à sa relation contractuelle avec certains courtiers en épargne collective à cause de mauvaises pratiques de leur part, la Chambre de la sécurité financière (ci-après la « Chambre ») faisait enquête sur ces représentants pour les mêmes faits. Dans le cadre de cette enquête, la yndique demande à CIBC et Placement CIBC qu’on lui transmette des documents relatifs à l’identité des consommateurs. La CIBC conteste la demande, car elle conteste le pouvoir de la syndique d’exiger ces documents et indique que la communication de certains renseignements enfreindrait ses obligations de confidentialité des informations personnelles.

Quant au premier motif de contestation, la CIBC prétend que la Chambre n’étant pas un ordre professionnel au sens du Code des professions2 (ci-après « Code »), les syndics n’ont pas le pouvoir d’exiger la communication de documents détenus par des tiers. La Cour conclut que pour quatre raisons principales, l’article 340 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers3 (ci-après la « LDPSF ») permet aux syndics d’exiger la communication de renseignements et documents des mains d’un tiers. Tout d’abord, la mission de la Chambre d’assurer la protection du public commande une interprétation large des dispositions en cause. Ensuite, les pouvoirs d’enquêter sur l’honnêteté et l’intégrité des représentants ne sont pas limités aux seules activités en courtage, mais s’étendent à tous les produits et services financiers offerts par les institutions financières. Troisièmement, le libellé de l’article 340 de la LDPSF indique que l’obligation de communiquer des renseignements ou documents incombe à « toute personne ayant la garde de ces documents ». Cette formulation permet aux syndics de s’adresser directement aux détenteurs des informations recherchées, peu importe leur statut ou leur implication dans l’enquête en cours. Finalement, malgré que les syndics ne soient pas régis par le Code, le législateur les a tout de même investis de pouvoirs similaires à leur homologue régi par le Code.

Subsidiairement et comme deuxième motif de contestation, la CIBC prétend que malgré les pouvoirs valides des syndics, elle ne peut être contrainte de divulguer l’identité de ses clients, car cela enfreindrait ses obligations au terme de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques4 (ci-après « LPRPDE ») puisque qu’aucune des exceptions prévues ne s’applique en l’espèce. Au terme d’un examen minutieux de la LPRPDE, la Cour repère quatre exceptions permettant à la CIBC de divulguer ces informations:

•    Les syndics peuvent, en vertu de la LDPSF, assigner ou contraindre la divulgation de ces informations, ce qui a l’effet d’une ordonnance;
•    La divulgation faite à un organisme public à des fins de contrôle de l’application du droit provincial est permise puisque la Chambre est constituée par une loi provinciale qui remplit une mission étatique d’intérêt public, elle est donc considérée comme un organisme public, malgré l’absence de décret à cet effet;
•    La demande de divulgation de la syndique est faite en application du droit provincial, soit la LDPSF et les règlements de l’Autorité des marchés financiers;
•    Finalement, puisque la divulgation est également requise par l’article 340 de la LDPSF, elle satisfait une autre exigence de la LPRPDE.

En considération des pouvoirs attribués aux syndics de la Chambre ainsi qu’aux exceptions prévus à la LPRPDE, la Cour accueille la demande d’injonction de la syndique pour forcer la Banque CIBC et Placement CIBC à transmettre les documents demandés au bureau du syndic de la Chambre. 

En conclusion, la protection des renseignements personnels est devenue un enjeu de société, entraînant du même coup une conscientisation autant de la part des consommateurs que des organismes détenant ces informations personnelles. Nul ne souhaite étaler les détails de sa vie privée au grand public, et ce, avec raison. La décision abordée ci-avant confirme que l’intérêt public à la rigueur et l’intégrité des professionnels a préséance sur ces considérations. Parallèlement, cela n’implique pas que les informations contenues dans les dossiers d’enquête puissent être révélées publiquement une fois qu’une plainte est déposée. D’autres méthodes existent pour protéger l’identité des consommateurs et leurs informations personnelles au stade du procès, cela fera certainement l’objet d’un prochain billet. 
 

1 2015 QCCS 1890
2 RLRQ c D-9.2
3  RLRQ c C-26
4  L.C. 2000 c. 5.

 

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