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Travail et emploi

La syndicalisation d’un cadre : vers une nouvelle réalité?

  • Marianne Bessette
Par Marianne Bessette Avocate
Au Québec, le Code du travail (ci-après le « Code ») permet à toute personne de se syndiquer, à l’exception des cadres puisqu’ils représentent l’employeur.

Or, le 7 décembre dernier, la juge administrative, Irène Zaïkoff, du Tribunal administratif du travail (ci- après le « Tribunal ») a rendu une décision importante, déclarant inconstitutionnelle cette exclusion comme elle vise tous les cadres, sans exception1.

Dans ce jugement, la juge n’invalide toutefois pas l’exclusion des cadres dans tous les cas. En effet, elle ne fait que la rendre inopérante, c’est-à-dire sans effet, dans le contexte précis des demandes d’accréditation portées devant elle, soit celles des cadres inférieurs, de premier niveau, travaillant au Casino de Montréal et chez Hydro-Québec.

À notre avis, ce jugement est sujet à des limites que les employeurs peuvent faire valoir, dans l’éventualité où ces derniers décideraient de contester le droit d’association de leurs cadres.

D’une part, si l’employeur démontre que ses cadres inférieurs ou intermédiaires ne subissent pas d’entrave importante à leur droit de négocier collectivement leurs conditions de travail, un juge pourrait ne pas appliquer cette décision. D’autre part, ce jugement ne s’applique pas, non plus, pour une association de cadres supérieurs, étant donné que l’employeur pourrait prouver que l’interdiction de se syndiquer est justifiée, afin de maintenir leur loyauté et d’éviter des conflits d’intérêts avec l’employeur.  

De plus, il est fort probable que cette affaire, et toute décision découlant de celle-ci, seront contestées dans les prochaines années, voire même renversées, jusqu’à ce que, éventuellement, la Cour suprême du Canada tranche cette question, de manière définitive.

Effectivement, ce débat n’est pas nouveau. En 1975, une association de cadres de l’Hôpital du Sacré-Cœur de Montréal, constituée d’infirmières et infirmiers exerçant des fonctions de supervision et de coordination, a tenté de se faire accréditer.

Le défunt Tribunal du travail a alors décidé d’innover en déclarant que des cadres inférieurs ayant des pouvoirs de supervision pouvaient être accrédités, contrairement aux cadres gestionnaires. Par contre, la Cour d’appel du Québec, en 1983, a renversé cette décision et confirmé que le Code exclut tous les cadres, sans exception2.

Jusqu’à tout récemment, un regroupement de cadres ne pouvait donc pas être reconnu comme une association syndicale au sens du Code3.

L’approche du Tribunal en 2016 est une tentative visant à permettre le droit d’association aux cadres inférieurs, qui n’ont pas de réels pouvoirs de gérance. Cette position découle principalement du fait que, dans les grandes organisations et entreprises, il y a parfois différents paliers décisionnels, incluant des cadres inférieurs, intermédiaires et supérieurs.

Le Tribunal semble également reconnaître qu’une exclusion moins large des cadres dans le Code serait justifiée d’un point de vue constitutionnel, notamment, si elle ne vise que les cadres supérieurs, tel un vice-président, ou certains types de cadres intermédiaires, et si une telle association est distincte des associations d’employés au sein de l’employeur.

Pour appuyer sa position, le Tribunal applique notamment deux arrêts récents de la Cour suprême du Canada4, qui interprètent largement la protection constitutionnelle du droit à la liberté d’association, incluant le droit de négocier collectivement ses conditions de travail, dans un contexte impliquant des salariés, et non, des cadres.

Pour faire le pont entre ces principes et leur application aux cadres d’une entreprise, le Tribunal réfère, entre autres, à certaines conventions internationales et à l’existence de protections similaires dans d’autres pays. Au Québec, s’il est vrai que, jusqu’en 1969, un employeur pouvait volontairement décider de reconnaître une association formée par ses propres cadres5, cette possibilité a été abolie par la suite6. Depuis cette date, ce n’est que rarement et avec parcimonie que le gouvernement du Québec a reconnu, par décret, certaines associations de cadres dans la fonction publique.

En terminant, cette décision parait plutôt inusitée au regard de l’historique de l’application du Code, depuis son adoption au Québec, laquelle a toujours fait une distinction entre un salarié et un représentant de l’employeur, en raison du rôle clé de ce dernier dans une organisation. L’absence d’une telle ligne de démarcation, clairement établie, entraînera des difficultés aux employeurs et aux décideurs, lorsqu’ils devront déterminer le statut des salariés et des cadres.

1  Association des cadres de la Société des casinos du Québec et Société des casinos du Québec inc., 2016 QCTAT 6870 (décision interlocutoire). Pour le débat sur la compétence du Tribunal quant à cette question, nous vous référons à l’arrêt de la Cour d’appel dans Association des cadres de la Société des casinos du Québec c. Société des casinos du Québec, 2014 QCCA 603.
Syndicat des cadres des hôpitaux de la région de Montréal (CSN) c. Hôpital du Sacré-Cœur Montréal, EYB 1983-142333 (C.A.).
Voir, par exemple, la décision de 2009 qui suit, où la requête en accréditation d’une association de cadres de l’Université de Montréal a été rejetée : Association des cadres et professionnels de l’Université de Montréal – accréditée (ACPUM-accréditée) c. Université de Montréal, 2009 QCCRT 0122.
4  Association de la police montée de l’Ontario c. Canada (Procureur général), 2015 CSC 1; Health Services and Support – Facilities Subsector Bargaining Assn. c. Colombie-Britannique, 2007 CSC 27.
Ce qui fut le cas notamment pour une association de contremaîtres de la Ville de Montréal.
6  Malgré cette abolition, le gouvernement a maintenu l’accréditation de certaines associations déjà reconnues.


 

 

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