Financement
La saisie
Cette petite question nous est fréquemment posée par nos clients et il y a lieu d’éclairer les créanciers et leur indiquer quels sont les cas dans lesquels la saisie des biens de leur débiteur est opportune et réalisable.
Malheureusement pour les créanciers, un débiteur en défaut ne peut voir ses biens saisis pour ce seul motif. Il est toutefois parfois possible de saisir les biens meubles et/ou immeubles du débiteur selon certaines modalités, et ce, avant qu’un jugement soit rendu à son encontre. Par ailleurs, il est presque toujours possible de saisir les biens du débiteur à titre d’exécution d’un jugement obtenu contre lui. Malgré tout, certains biens demeureront insaisissables.
La saisie avant jugement
Certaines lois applicables au Québec prévoient et énumèrent les circonstances dans lesquelles un créancier peut saisir les biens de son débiteur avant l’obtention d’un jugement, et ce, sans l’autorisation d’un juge (l’autorisation d’un greffier est toutefois nécessaire). Le créancier peut donc :
- Saisir les biens meubles qu'il est en droit de revendiquer.
Par exemple : Un employeur qui procède à la saisie de sa liste de clients avec laquelle son ex-employé a quitté ses fonctions; - Saisir le bien meuble sur le prix duquel le créancier est fondé à être payé en préférence et dont le débiteur use de manière à mettre en péril la réalisation de la créance prioritaire.
Par exemple : L'acheteur n'ayant pas acquitté le prix d'achat des biens, vend à un tiers une partie de ces biens; - Saisir le bien meuble qu'une disposition de la loi permet au créancier de faire saisir pour s'assurer de l'exercice de ses droits sur ledit bien.
Par exemple : le créancier hypothécaire qui doit exercer ses droits sur les biens meubles ou immeubles du débiteur en respect des droits prévus aux lois applicables.
Rappelons que le droit de saisir avant jugement ne donne pas un droit immédiat au créancier de vendre ou revendre les biens. Ces dispositions permettent au créancier de « protéger » sa créance, de sauvegarder ses droits et de mettre les biens du débiteur à l'abri. L’objectif est d’éviter que le débiteur dilapide ses biens afin de se rendre insolvable.
Il est important d’ajouter, en cette ère moderne où l’accès à l’information est protégé par plusieurs lois spécifiques, qu’un créancier peut se voir refuser la saisie de biens dont il a le droit de revendiquer la propriété, lorsque ceux-ci sont des biens informatiques ou des biens pouvant contenir des informations à caractère confidentiel.
Qu’advient-il lorsque le créancier ne répond pas aux critères prévus par les lois applicables au Québec permettant la saisie avant jugement sans l’autorisation d’un juge?
Le créancier pourra prendre une procédure alternative et faire la demande à un juge d’autoriser la saisie des biens meubles et/ou immeubles de son débiteur. Cependant, l’application de cette alternative est beaucoup plus limitée puisque certains critères doivent être respectés afin d’obtenir cette autorisation. Le créancier devra donc prouver que sans la saisie avant jugement des biens de son débiteur, il est à craindre que le recouvrement de sa créance soit mis en péril . C’est la qualification de la « crainte » et son interprétation par les tribunaux, qui rendent complexe l’application de cette disposition et qui peuvent faire échouer la demande de saisie avant jugement.
La jurisprudence qualifie la crainte comme étant une crainte objective, raisonnable et sérieuse, c’est-à-dire qu’une personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances conviendrait également que le recouvrement de la créance est à risque. Plusieurs motifs considérés séparément ne sont pas toujours suffisants pour obtenir le droit de saisir avant jugement, mais une combinaison de plusieurs motifs, faits et circonstances peut créer une situation opportune permettant au juge d’accéder à la demande de saisie.
Par exemple, le retard de paiement ou l’état d’insolvabilité du débiteur ne peuvent être suffisants à eux seuls pour demander la saisie. Cependant, les situations où il y a la présence de fraude, de pratiques dolosives par le débiteur, ou les cas où ce dernier tente de dilapider ses biens pour se rendre « judgement-proof », représentent des facteurs et circonstances de grande importance dans la décision d’un juge de permettre la saisie avant jugement.
La saisie après jugement
La saisie après jugement est utile afin de permettre au créancier d’exécuter le jugement sur les biens du débiteur qui s’avère incapable de rencontrer ses obligations. Ceci découle du principe que les biens du débiteur sont le gage commun de ses créanciers. Il faut cependant indiquer que la saisie après jugement ne se fait pas sans heurt, puisque l’officier saisissant doit respecter la procédure établie au Code de procédure civile. Il doit donc s’enquérir, entre autres, des droits, hypothèques ou charges grevant les biens du débiteur, puisque les détenteurs de telles hypothèques ou charges pourront se prévaloir de leurs droits sur les biens ainsi saisis.
Biens insaisissables
Malgré ce qui précède, certains biens ne pourront être saisis puisque qualifiés d’insaisissables par les dispositions législatives applicables au Québec. À titre d’exemple, et ce, de façon non limitative, sont qualifié d’insaisissables : les meubles qui garnissent la résidence familiale, jusqu’à une valeur marchande de 6 000 $; les instruments de travail nécessaires à l’exercice de l’activité professionnelle du débiteur; les prestations accordées au titre d’un régime complémentaire de retraite auquel l’employeur cotise; une portion du salaire du débiteur; toute chose déclarée insaisissable par la loi.
Le créancier saisissant doit donc respecter ces dispositions sous peine de se voir opposer par le débiteur saisi une requête en opposition réclamant l’annulation en tout ou en partie de la saisie.
Conclusion
Il est donc utile de rappeler l’importance de consulter un conseiller juridique. Ce dernier pourra évaluer avec le créancier la possibilité et l’opportunité de procéder à la saisie avant jugement des biens du débiteur et s’assurer que cette procédure est la plus appropriée et la plus efficace dans les circonstances, en considération des différentes dispositions législatives applicables à cette procédure. Il en est de même pour la saisie après jugement, puisque l’état de quasi-insolvabilité du débiteur peut être un facteur rendant inutile toute procédure de saisie.
Le présent texte est publié à titre informatif seulement et ne constitue pas une opinion juridique. Pour de plus amples renseignements concernant ce sujet ou tout autre sujet connexe, nous vous invitons à contacter l’auteur de ces lignes ou un de nos professionnels.