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Faillite et insolvabilité

La Loi sur la médiation en matière d'endettement agricole: Qu'est-ce que ça mange?

Pour qui?

La Loi sur la médiation en matière d’endettement agricoleLMMEA ») a été mise en place afin de permettre aux agriculteurs (i) incapables de s’acquitter de leurs obligations au fur et à mesure de leur échéance, (ii) qui ont cessé de s’acquitter de leurs obligations courantes dans le cours ordinaire de leurs affaires, ou (iii) dont la valeur de la totalité de leurs biens est insuffisante et ne suffirait pas s’ils étaient disposés à acquitter l’ensemble de leurs obligations, d’obtenir les services et le soutien d’un expert nommé par le gouvernement par l’intermédiaire du Service de médiation en matière d’endettement agricole (« SMMEA ») afin de procéder à l’examen de leur situation financière et de mettre en place un plan de redressement à la satisfaction de leurs créanciers.

Définitions :

Comment s’interprète la notion d’« agriculteur » au sens de la LMMEA?

La notion d’agriculteur est interprétée de manière relativement large et inclusive afin de permettre à un nombre plus important de personnes de se prévaloir de la LMMEA. L’agriculteur doit donc être une personne physique ou morale, une coopérative ou société de personnes ou toute autre association de personnes exploitant une entreprise agricole à des fins commerciales 1.

La notion d’entreprise agricole a été définie comme une entreprise visant par exemple l’élevage de bétail, de volaille et d’animaux à fourrure, ainsi que la production de végétaux, de bois, de lait, de miel, de sirop d’érable et de tabac. Toutefois, l’agriculture n’a pas à être la principale source de revenu de l’agriculteur. La possession de la carte d’enregistrement d’une exploitation agricole est d’ailleurs un bon indice de qualification comme agriculteur auprès du SMMEA.

La notion de fins commerciales n’a aucune définition législative et, au cours des années, la jurisprudence a développé un courant voulant que de telles fins commerciales s’apprécient selon les activités de l’agriculteur qui est engagé commercialement contrairement à un « lobby farmer ». De façon simple, il faut déterminer si l’agriculteur a l‘intention de tirer des profits de l’agriculture2?

Dans tous les cas, il est possible pour un créancier de faire appel de la décision d’Agriculture et Agroalimentaire Canada quant à l’admissibilité de l’agriculteur dans les quatre (4) jours suivant la réception de l’avis de suspension des recours3.

Mécanismes :

La LMMEA met à la disposition de l’agriculteur deux mécanismes distincts. Le premier en vertu de l’article 5(1) a) LMMEA a pour objectif de permettre à l’agriculteur d’arriver à une entente avec tous ses créanciers, garantis ou non, et d’obtenir, dans l’intervalle, la suspension de tous les recours de ceux-ci contre lui ou ses biens. L’agriculteur se prévaut fréquemment de ce premier mécanisme lorsqu’il reçoit un avis de l’intention par l’un ou ses créanciers garantis d’exercer leurs sûretés.

Quant au deuxième mécanisme, selon l’article 5(1) b LMMEA, l’objectif est également d’en arriver à une entente avec ses créanciers, toutefois, seuls les créanciers garantis de l’agriculteur sont visés. D’ailleurs, l’agriculteur qui se prévaut de ce mécanisme ne bénéficie pas de la suspension des recours de ses créanciers garantis contre lui ou ses biens. Un agriculteur optera davantage pour ce mécanisme lorsqu’il est possible de restructurer le crédit garanti qui lui a été consenti.

Peu importe le mécanisme pour lequel l’agriculteur optera, il ne pourra se prévaloir d’une nouvelle demande en vertu du même alinéa de la LMMEA dans les deux (2) ans qui suivent la demande initiale sous ce même alinéa, à moins d’une autorisation écrite de l’administrateur du SMMEA.

Suspension des recours :

Durant la période de suspension des recours (initialement de 30 jours, pouvant être renouvelée pour deux périodes consécutives de 30 jours jusqu’à un maximum de 90 jours), suite à l’application par l’agriculteur au mécanisme de l’article 5(1) a) LMMEA, les créanciers ne peuvent se prévaloir de recours contre les biens de l’agriculteur ou intenter, continuer une action ou une procédure judiciaire ou extrajudiciaire, visant le recouvrement d’une dette, la réalisation d’une sûreté ou la prise de possession d’un bien de l’agriculteur.

La jurisprudence a interprété le terme « procédure » de manière similaire à l’article 69 de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité4  (« LFI »). Ainsi, selon la jurisprudence, le préavis d’exercice de droit hypothécaire est une procédure dont les effets seront suspendus jusqu’à la levée de la suspension des recours5. D’ailleurs, bien qu’il ne soit possible de signifier et publier un préavis d’exercice de droits hypothécaires durant cette période de suspension, s’il a été publié avant l’application au SMMEA par l’agriculteur, seule la computation des délais sera suspendue jusqu’à la levée de la suspension des recours6.

La jurisprudence a conclu qu’un acte de nature conservatoire, ou de nature à créer une garantie n’est pas une procédure, tel l’avis de conservation d’une hypothèque légale en faveur des personnes ayant participé à la construction ou rénovation d’un immeuble selon l’article 2727 du Code civil du Québec7.

Qu’advient-il cependant d’une saisie avant jugement autorisée avant l’application de l’agriculteur au SMMEA en vertu de l’article 5(1) a) LMMEA? La saisie et ses effets seront suspendus, puisque permettre au créancier de conserver la saisie et de continuer son recours lui conférerait une préférence, et ce, de manière similaire à l’application de la LFI dans un cas d’avis d’intention ou du dépôt d’une proposition. Toutefois, la jurisprudence a statué que la suspension de la saisie avant jugement n’équivalait pas à une mainlevée ou à l’annulation de celle-ci8.

Finalement, dès la levée de la suspension des recours accordée par le SMMEA, advenant par exemple l’impossibilité de l’agriculteur d’en arriver à une entente avec ses créanciers, ceux-ci pourront reprendre ou amorcer leurs recours contre l’agriculteur et ses biens.

Préavis de réalisation de sûretés :

Il est primordial, lorsqu’il est de l’intention d’un créancier garanti de réaliser ses sûretés ou prendre possession ou exercer un recours contre l’agriculteur ou ses biens, de lui signifier un préavis à l’effet qu’il lui est possible de présenter une demande selon l’article 5 LMMEA. Même le vendeur à tempérament bénéficiant d’une réserve de propriété est considéré comme un créancier garanti, et il lui est nécessaire d’acheminer l’avis de l’article 21 LMMEA.

Cet avis doit être donné à l’agriculteur au moins quinze (15) jours ouvrables avant la prise de toute mesure visée à l’article 21 LMMEA, l’agriculteur ne pouvant renoncer à recevoir cet avis, l’article 21 LMMEA étant une disposition d’ordre public. Le défaut pour le créancier de fournir ledit avis dans le délai prescrit par la LMMEA constitue une fin de non-recevoir du recours entrepris contre l’agriculteur. Un créancier hypothécaire pourrait donc se voir dans l’obligation de signifier l’avis selon l’article 21 LMMEA, et de signifier et publier à nouveau son préavis d’exercice de droits hypothécaires, attendre l’échéance des délais de 20 ou 60 jours et signifier à nouveau son recours en délaissement forcé et de prise en paiement ou vente sous contrôle de justice s’il avait omis de transmettre initialement ledit avis .

Entente de médiation :

Dans l’éventualité où une entente est conclue entre l’agriculteur et ses créanciers aux termes de la réunion de médiation, les parties seront tenues d’en respecter les termes. La levée de la suspension des recours sera conséquemment donnée par le SMMEA. Toutefois, advenant un cas de défaut de l’agriculteur à l’entente, le créancier ne pourra entreprendre immédiatement ses recours contre lui ou ses biens sans lui avoir transmis préalablement l’avis 21 LMMEA (à moins que le créancier garanti ait déjà transmis cet avis avant que l’agriculteur ne se prévale du SMMEA), puisqu’il est possible pour l’agriculteur de présenter une nouvelle demande auprès du SMMEA malgré l’échec d’une première médiation.

La relation avec les cautions :

Qu’en est-il des cautions des obligations de l’agriculteur envers le créancier?

La jurisprudence est claire à l’effet qu’il n’est pas nécessaire de transmettre à la caution d’un agriculteur, le préavis de réalisation des sûretés en vertu de l’article 21 LMMEA, le créancier garanti de l’agriculteur n’étant pas le créancier garanti de la caution et la nature des liens contractuels unissant l’agriculteur et son créancier garanti sont distincts de ceux unissant la caution au créancier garanti de l’agriculteur.

Toutefois, qu’en est-il de la suspension des recours lorsque l’agriculteur se prévaut de l’article 5(1) a) LMMEA? Cette suspension s’applique-t-elle aux recours contre les cautions?

Tout d’abord, la LMMEA a été maintes fois interprétée et analysée à la lumière de la LFI et de dispositions analogues. Dans un cas d’application de suspension de recours contre un débiteur insolvable sous la LFI, cela n’empêche pas un créancier garanti d’exercer ses recours contre les cautions (à moins de disposition à l’effet contraire dans les conventions de cautionnement). A priori donc, les termes de la LMMEA ne permettent pas de tirer des conclusions différentes et il serait permis de croire que la suspension des recours contre l’agriculteur n’équivaut pas à une suspension des recours contre les cautions.

Toutefois, la Cour supérieure, dans l’affaire R & D Capital inc. c. 9058-3964 Québec inc. , a statué que l’application par un agriculteur à l’article 5(1) a) LMMEA suspendait les recours contre les cautions puisque cela aurait notamment pour effet de mettre en péril l’ensemble des activités agricoles et les possibilités de restructuration de l'agriculteur. Cependant, les motifs de la décision ne permettent pas, à notre avis, de déterminer s’il s’agit de l’interprétation à donner en tout temps à la LMMEA, ou s’il en a été conclu ainsi en raison des faits particuliers de cette affaire. Cette décision n’ayant pas fait l’objet d’un appel, le créancier garanti doit rester prudent lors de l’exercice de ses recours contre les cautions de l’agriculteur qui se prévaut de l’article 5(1) a) LMMEA.

1 Art. 2 LMMEA
2Community Futures Development Corp c. Litzenberger, 2006 BCSC 856
3 Art. 11 LMMEA
4Les Immeubles Gérard Bouchard inc. c. PWC inc., AZ-99021316 (C.S.)
5 Idem, Dumont c. 9031-4493 Québec inc., 2002 QCCA 7033 (CanLii), Société de crédit agricole c. Marcotte, REJB 2000-18130 (C.S.)
6Financement agricole Canada c. Messier, 2009 QCCS 1449
7 9092-2535 Québec inc. (syndic de), REJB 2003-45995 (C.S.)
81354-7047 Québec inc. c.Ventilation J.C. inc., AZ-93021664 (C.S.), Rénovations MGF inc. (proposition de), 2011 QCCS 5240 (CanLii)
9Financement agricole Canada c. Messier EYB 2008-140609 (C.S.), Dumont c. 9031-4493 Québec inc., 2002 QCCS 7033 (CanLii)
10 2013 QCCS 2737


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