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Criminel et pénal

La liberté sous écoute

Les différents mandats émis contre les journalistes Patrick Lagacé, Alain Gravel et quelques autres ont récemment ébranlé la sphère médiatique.

Plusieurs condamnent les corps policiers d’avoir agi de la sorte et dénoncent ces actions, indiquant que cela met en péril le concept même de la démocratie. La légalité des mandats est également mise en doute. Pour permettre une réflexion plus approfondie, il convient de rappeler certains principes concernant l’émission de mandats visant des journalistes. 

Bien que la liberté de presse soit un droit fondamental enchâssé dans la Charte canadienne, elle n’est pas illimitée. Les tribunaux doivent couramment balancer ce droit avec d’autres considérations d’ordre public, comme le maintien de l’ordre social, le déroulement des enquêtes criminelles ou encore la sécurité nationale.

La liberté de presse protège non seulement la diffusion de l’information, mais également la cueillette de celle-ci. Les journalistes jouissent donc, dans l’exercice de leur métier, de cette protection. Le secret des sources journalistiques est parfois comparé au secret professionnel. Cette comparaison n’est pas tout à fait juste. Alors que les membres d’un ordre professionnel sont choisis au terme d’un processus d’admission sévère et règlementé par un ordre professionnel et la loi, la profession de journaliste est très hétéroclite et ne bénéficie pas d’un processus semblable. De plus, même le secret professionnel doit parfois être écarté par les tribunaux.

Un mandat, qui consiste en une autorisation judiciaire, peut viser plusieurs aspects d’une enquête criminelle : la mise sous écoute, la fouille et perquisition, l’accès aux données d’un téléphone, l’obligation de collaboration, etc. C’est un juge qui l’émet, à la demande d’un enquêteur-dénonciateur et hors la présence des personnes concernées. Dans le cadre d’une enquête ciblant les médias, le juge devra évaluer plusieurs critères avant de décerner ledit mandat.

Dans l’arrêt SRC c. Lessard1 , la Cour suprême a élaboré un test à neuf critères afin d’évaluer si l’émission d’un mandat permettant de cibler des médias était justifiée. Ces critères sont : (1) les exigences du Code criminel doivent être satisfaites (2) un examen minutieux des circonstances (3) la balance des intérêts de l’État et le droit des médias à la protection des renseignements qu’ils détiennent (4) un affidavit suffisamment détaillé (5) l’absence de solution alternative (6) si le média a rendu publiques certaines informations (7) le bien-fondé d’émettre des conditions à la fouille (8) le mandat sera invalide si des détails ont été omis, ou (9) si la fouille s’est effectuée de manière abusive. Dans cette affaire, les policiers ont demandé l’autorisation de procéder à une perquisition dans les locaux de la Société Radio-Canada, toutefois, ce cadre convient également à d’autres types de mandat.

L’obtention d’un mandat contre un journaliste ou un média impose donc un lourd fardeau. Il est important de noter que la protection supplémentaire dont ceux-ci bénéficient ne leur est pas attribuée en fonction de leur statut, mais des intérêts qu’ils défendent et des renseignements qu’ils protègent. Dans les prochaines semaines, la mise en place d’une commission d’enquête sur la protection des sources, annoncée par le gouvernement, apportera probablement un nouvel éclairage sur cette affaire et des leçons à en tirer.
 

1 [1991] 3 R.C.S. 421, confirmé dans R. c. National Post, [2010] 1 R.C.S. 477 et Globe and Mail c. Canada, [2010] 2 R.C.S. 592

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