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Franchise et distribution

L’impact juridique de l’incertitude économique créée par les multiples annonces concernant les nouveaux tarifs douaniers sur le secteur de la franchise au Québec

  • Guillaume Lapierre
Par Guillaume Lapierre Avocat, associé – Directeur Montréal
L’incertitude économique actuelle, exacerbée par les nouveaux tarifs douaniers imposés par l’administration américaine Trump, pose des défis de taille dans une panoplie de secteurs d’activité au Québec, et le secteur de la franchise n’y fait évidemment pas exception.

Cet article explore les implications juridiques de cette situation, en mettant l’accent sur les obligations des franchiseurs québécois, canadiens et américains, ainsi que sur l’importance de la saine gestion des marques de commerce d’un franchiseur exploitant un réseau de franchises canadien et plus particulièrement québécois, et ce, en ces temps de changements économiques.

1. Contexte commercial de l’approvisionnement

Les nouveaux tarifs douaniers en cours de négociation et les contre-mesures canadiennes ont perturbé les chaînes d’approvisionnement dernièrement et continueront assurément de les perturber, en augmentant évidemment les coûts pour les entreprises du commerce de détail. L’économie canadienne traverse une période d’incertitude marquée par des tensions commerciales avec les États-Unis qui ont, comme nous pouvons déjà le constater, un impact inflationniste sur l’économie canadienne. La croissance du PIB risque d’être impactée également[1], ce qui entraînera nécessairement une hausse du coût des marchandises, selon les experts économistes sur le sujet.

Le système d’approvisionnement en matière de franchisage est bien différent de certains autres secteurs de l’économie, en ce qu’il est exclusif ou quasi-exclusif. C’est en effet une pratique courante dans les contrats de franchise pour les franchiseurs que d’imposer des fournisseurs et des distributeurs à l’ensemble de leur réseau. Ce système oblige les franchisés à s’approvisionner exclusivement ou quasi-exclusivement auprès de leur franchiseur ou de fournisseurs autorisés par celui-ci. Cette obligation vise à garantir l’homogénéité et la qualité des produits ou services offerts par l’ensemble du réseau, tout en protégeant l’identité et la réputation de la marque appartenant au franchiseur.

Dans le contexte d’approvisionnement d’un réseau de franchises, qu’il soit local, national ou international, les obligations liées à ce système d’approvisionnement sont souvent multiples et complexes pour les signataires des conventions de franchise. Tout d’abord, les franchisés doivent respecter les clauses contractuelles qui mentionnent généralement que seuls les fournisseurs autorisés peuvent fournir les produits ou services concernés. En contrepartie, le franchiseur s’engage souvent à négocier des conditions d’achat avantageuses pour ses franchisés, telles que des remises quantitatives ou des facilités de paiement afin d’en faire bénéficier son réseau de franchises. De plus, le franchiseur peut offrir une assistance technique et commerciale pour aider les franchisés à optimiser leur approvisionnement et à maximiser la vente de ses produits exclusifs ou quasi-exclusifs. C’est du moins, ce que certains franchiseurs effectuent au sein de leurs réseaux.

Cependant, ce système comporte des implications juridiques importantes dans le contexte actuel où l’incertitude économique et la hausse des coûts de marchandises risquent de changer significativement soit la rentabilité des franchisés, soit la tarification finale de leurs divers produits et services offerts à leur clientèle, ce qui aura assurément un impact sur l’offre et la demande, donc indirectement sur la rentabilité des sites exploités par les franchisés. Il est intéressant de souligner que certaines juridictions dans le monde encadrent strictement le droit de la concurrence au sujet des clauses d’approvisionnement exclusif ou quasi-exclusif qui doivent respecter certaines conditions pour être valides. Ce n’est pas le cas ici au Québec et, malheureusement, l’histoire et la pratique nous ont démontré que certains franchisés se sont souvent retrouvés dans des situations de précarité financière, considérant l’inflexibilité de certains franchiseurs de les appuyer relativement à l’approvisionnement de leurs produits, et ce, à prix et qualité compétitifs. Certains de ces franchiseurs n’exploitent actuellement plus de réseaux de franchises ou on réduit significativement leur présence en sol québécois et canadien au fil des ans. C’est donc dire que l’impact de part et d’autre, tant pour les franchiseurs que pour les franchisés, n’est souvent pas à minimiser en cette matière.

Le système d’approvisionnement exclusif ou quasi-exclusif présente des avantages pour les franchisés et les franchiseurs, mais il doit être mis en œuvre avec prudence pour éviter des risques anticoncurrentiels. Les franchiseurs doivent aujourd’hui, plus que jamais, démontrer une grande souplesse auprès de leurs franchisés afin de les accompagner dans le processus d’approvisionnement de leurs différents produits et services. Parmi les suggestions simples à mettre en œuvre pour un franchiseur, il y a bien évidemment celle de revoir la marge bénéficiaire que peut à l’occasion générer un franchiseur avec les diverses ententes d’approvisionnement auprès de fournisseurs exclusifs ou de l’une de ses divisions qui peut elle-même agir comme fournisseur des produits et services. Également, les franchiseurs ont avantage à continuer de négocier des conditions d’achat avantageuses pour leurs franchisés et à trouver, toujours dans la mesure du possible, des fournisseurs de produits et services qui cadrent bien avec la mouvance d’approvisionnement local. Dans un contexte où le franchiseur a des obligations d’aide et d’assistance auprès de ses franchisés, son rôle impose de considérer les obligations juridiques avec ses franchisés de manière globale et non fragmentée, afin d’assurer la rentabilité et la pérennité des acteurs de son réseau, et ce, malgré les bouleversements actuels de la chaîne d’approvisionnement.

2. Obligations d’assistance des franchiseurs

Les franchiseurs québécois ont des obligations implicites à leurs contrats de franchise en matière d’aide et d’assistance envers leurs franchisés, obligations que nous avons d’ailleurs pu observer auprès de nombreuses bannières avec les diverses mesures imposées par les gouvernements lors de la récente pandémie de COVID-19.

Dans le présent contexte politique, les franchiseurs se doivent d’agir afin de protéger leur réseau et soutenir leurs franchisés face aux défis économiques actuels. Les possibles changements au contexte commercial qu’amèneront les mesures en cours de discussion entre notre gouvernement et celui de nos voisins du sud exigent l’adoption de nouvelles stratégies et outils afin d’améliorer l’efficacité, la gestion et la performance financières des réseaux de franchises. Les franchiseurs doivent s’ériger en gardiens de ces mesures et en favoriser des résultats pérennisés pour le futur.

Il est désormais clairement établi dans le domaine du franchisage québécois, depuis le célèbre arrêt de la Cour d’appel du Québec ayant confirmé une décision de première instance dans l’affaire Dunkin’ Brands Canada Ltd. c. Bertico inc.[2], que le franchiseur doit soutenir son réseau de franchises. En effet, le franchiseur s’est vu imposer de verser près de 18 millions de dollars à 21 franchisés québécois pour rupture de contrat, fausse représentation et négligence. La Cour conclut dans cette affaire que le franchiseur avait l’obligation explicite et implicite de prendre des mesures raisonnables et opportunes pour protéger et améliorer sa marque, notamment face aux changements du marché, et d’assister ses franchisés, plutôt que de les laisser tomber.

Rappelons qu’un franchiseur québécois a des obligations implicites envers ses franchisés, notamment celles d’assistance technique et commerciale, de collaboration, d’aide et d’accompagnement face à l’évolution du marché et d’adaptation des méthodes et techniques face aux nouvelles réalités. L’obligation de loyauté et de consultation des franchisés ainsi que l’obligation de fournir aux franchisés les outils nécessaires pour faire face à la concurrence sont également des obligations implicites découlant, au fil des années, de certaines décisions des tribunaux québécois. Les franchiseurs devront assurément réitérer ces principes et les mettre en application lors des possibles diverses mesures qu’ils devront mettre en place au cours des prochains mois, afin d’adapter leurs processus actuels, pour conserver leur réseau viable et compétitif sur le marché québécois qui sera en mouvance.  

3. Impact des tarifs douaniers sur les contrats de franchise en cours

Les nouveaux tarifs douaniers peuvent rendre l’exécution de certains contrats de franchise financièrement périlleux considérant de multiples facteurs dont le franchisé en subira les contrecoups, et que son franchiseur n’aura potentiellement pas pu prévoir au moment de la conclusion des conventions, quelques années auparavant. Notons que les contrats de franchise sont souvent négociés pour une longue période, ce qui accentue les effets négatifs de mesures futures et imprévisibles.

Rappelons qu’en droit québécois, la théorie de l’imprévision n’a pas été reconnue comme elle l’a été en common law, mais la Cour suprême, dans la célèbre affaire Churchill Falls[3], permet une reconnaissance d’une obligation de renégociation implicite de contrats importants et relationnels, tels les contrats de franchise. Lorsqu’une situation devient économiquement non viable pour l’un des partenaires à la relation contractuelle ou que de nouvelles mesures frappent de plein fouet l’une des parties à une relation contractuelle, il y a lieu de sérieusement réfléchir à la renégociation de termes commerciaux et de faire preuve de souplesse afin d’éviter d’importants risques de perte et d’insolvabilité, ainsi que des impacts négatifs plus globaux sur la marque et l’achalandage d’un franchiseur qui pourrait voir des succursales fermer en série. Plusieurs grandes bannières canadiennes, américaines et européennes l’ont compris depuis de nombreuses années et font preuve d’une souplesse que l’on aime toujours en pratique, dans ces circonstances précises, citer en exemple.

4. Importance de la protection des marques de commerce d’un franchiseur dans un tel contexte

Les marques de commerce sont des actifs précieux pour les franchiseurs. La protection des marques de commerce canadiennes est essentielle pour maintenir la réputation et la compétitivité des réseaux de franchises, et ce, qu’ils soient locaux, nationaux ou internationaux.

Les franchiseurs canadiens doivent prendre des mesures raisonnables pour protéger leurs marques de commerce et en assurer la pérennité. Cela inclut l’enregistrement des marques auprès de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada et la surveillance continue pour éviter toute appropriation illégale par des tiers. Les franchiseurs doivent également veiller à ce que leurs marques conservent leur caractère distinctif et ne deviennent pas génériques.

Dans un contexte où l’économie et les façons d’exploiter leurs affaires risquent d’être en mutation, il devient encore plus important pour les franchiseurs de protéger leurs actifs de propriété intellectuelle. J’oserais par ailleurs affirmer que les franchiseurs ont une certaine obligation implicite de soutenir leur réseau de franchises en fournissant des marques de commerce fortes, compétitives et distinctives. Cela implique de prendre des mesures pour rehausser et protéger leurs marques, notamment en adaptant les méthodes et les techniques aux nouvelles réalités du marché et en offrant une assistance technique et commerciale à leurs franchisés.

Les franchiseurs doivent exercer un contrôle strict sur l’utilisation de leurs marques de commerce par leurs franchisés afin de garantir qu’elles sont utilisées conformément aux normes établies dans ce contexte commercial plus instable. Cela inclut la mise en place de clauses contractuelles précises dans les contrats de franchise et les licences d’utilisation, ainsi que la surveillance régulière des activités des franchisés pour assurer le respect de ces normes.

Les franchiseurs doivent être proactifs dans la prévention des violations de leurs marques de commerce. Cela inclut la surveillance des demandes d’enregistrement de marques similaires et la contestation des oppositions ou des utilisations non autorisées. Les franchiseurs doivent également être prêts à engager des actions en justice pour protéger leurs droits de propriété intellectuelle dans l’intérêt de l’ensemble de leurs franchisés.

5. Rôles et responsabilités des franchiseurs américains faisant affaire au Québec

Les franchiseurs américains opérant au Québec ont également des obligations envers leurs franchisés québécois, et ce, peu importe les mesures prises par les gouvernements canadien et américain. Dans le contexte économique actuel, marqué par des appels populistes et même gouvernementaux quant au boycottage des produits en provenance des États-Unis, les franchiseurs américains opérant au Québec devront naviguer avec prudence. Le rôle des franchiseurs américains est crucial pour maintenir la confiance et la satisfaction de leurs franchisés québécois, ainsi que leur clientèle. Les franchiseurs américains devront faire preuve de créativité afin de réduire au minimum l’impact prévisible et négatif sur les ventes de produits et services qui seront perçus par la clientèle québécoise et canadienne comme étant des produits et des services de provenance américaine. Ces franchiseurs devront adapter leurs pratiques commerciales pour se conformer aux nouvelles exigences de cette clientèle et possiblement accentuer leur présence en sol québécois et promouvoir les particularités québécoises dans leur concept américain. Ce sera tout un défi, car l’appel au protectionnisme de nos économies nous semble de plus en plus fort en ces temps où l’administration Trump tente de dérégler l’ensemble des pratiques de l’échiquier économique mondial.

Les franchiseurs américains ayant des engagements et des obligations envers leurs franchisés québécois devront s’assurer que leurs marques et leurs produits répondent aux attentes actuelles des consommateurs québécois. Ces exigences vont également s’imposer aux maîtres franchiseurs québécois et canadien qui sont responsables de développer des concepts américains ici, en sol québécois ou canadien. Ceux-ci devront adapter leurs stratégies de communication et de marketing afin de refléter les préférences locales. En période de boycottage, il est essentiel de démontrer un engagement envers la communauté québécoise, par exemple en promouvant les produits fabriqués localement, ou encore, en soutenant des initiatives locales.

Les franchiseurs américains doivent être prêts à adapter leurs offres et à innover pour répondre aux besoins changeants du marché québécois. Cela peut inclure l’introduction de produits locaux ou la modification des pratiques commerciales pour mieux s’aligner avec les attentes des consommateurs. Nous produisons de très bons fromages québécois (parmi tant d’autres produits d’exception), alors pourquoi ne pas faire preuve d’innovation en changeant vos recettes et en promouvant ces produits québécois sur votre pizza américaine? De nombreux fournisseurs québécois seraient ravis de se prêter à ces mesures et de passer des accords commerciaux avec vous – soyez ingénieux!

Conclusion

L’incertitude économique relativement aux nouveaux tarifs douaniers pose des défis juridiques complexes pour le secteur de la franchise au Québec et au Canada. Les franchiseurs doivent naviguer dans ces eaux troubles avec prudence, en respectant leurs obligations contractuelles et en protégeant leurs marques de commerce et leur réseau de franchises en entier. La renégociation des contrats, bien que difficile, peut être nécessaire afin de préserver la viabilité financière des franchisés et ainsi assurer des gains mutuels à long terme. Les franchiseurs québécois et canadiens auront avantage à s’inspirer de ce que font nos gouvernements actuels lorsqu’ils constatent que les mesures toucheront négativement les entreprises de certains secteurs : ils créent des programmes d’aide et appuient ces entreprises. Les franchiseurs prudents et diligents, ceux qui auront cette volonté de traverser les vagues créées par ces mesures que l’on voit poindre à l’horizon, risquent de gagner par ailleurs un avantage concurrentiel futur en adoptant une attitude et des mesures visant à écouter et à aider leurs franchisés à faire face à ces changements. Franchiseurs : soyez créatifs et à l’écoute des principaux acteurs de votre réseau et réfléchissez avec une vision globale et à long terme!

Si vous avez des questions, ou encore besoin d’accompagnement dans ce contexte, pour votre réseau de franchises, n’hésitez pas à communiquer avec notre équipe en droit de la franchise et de la distribution.



[2] Dunkin' Brands Canada Ltd. c. Bertico inc., 2015 QCCA 624 (CanLII)

[3] Churchill Falls (Labrador) Corp. c. Hydro-Québec, 2018 CSC 46 (CanLII)

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